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- Lutte ouvrière n°1679
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Leur société
Pétrole - OPEP ou multinationales : À qui profite la hausse des prix pétroliers ?
Les gouvernements occidentaux et aussi la presse ont eu tôt fait de désigner à l'opinion un bouc émissaire pour la hausse du prix de l'essence et autres produits pétroliers : les pays de l'OPEP, l'Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Pétrole. On les accuse même dans les médias de menacer l'économie mondiale d'un nouveau " choc pétrolier ", comme celui de 1973-74, où les prix pétroliers avaient quadruplé.
Et il vrai qu'à certains égards la situation actuelle ressemble à celle de 1973-74. A l'époque déjà c'était l'OPEP que l'on accusait d'user de son " monopole " sur le pétrole pour " prendre à la gorge " l'économie mondiale. De prétendus spécialistes péroraient dans les médias en agitant l'épouvantail d'une prochaine pénurie d'énergie - comme certains (peut-être les mêmes d'ailleurs) commencent à le faire aujourd'hui. C'est d'ailleurs au nom de cette " menace " et de la nécessité d'économiser l'énergie qui en découlait que dans la plupart des pays occidentaux les Etats augmentèrent les taxes sur l'essence en particulier.
Ce sont les mêmes discours qu'on nous sert aujourd'hui et ce n'est pas par hasard. Car il s'agit avant tout pour les gouvernants de cacher à l'opinion publique les probables instigateurs et en tout cas véritables bénéficiaires de la hausse des cours pétroliers.
Car il faut quand même un sacré culot pour parler du " monopole " qu'exercerait l'OPEP contre les pays industrialisés. Les onze membres de l'OPEP, tous des pays pauvres, ne produisent que 40 % du pétrole brut mondial, alors qu'à eux seuls quatre pays industrialisés (USA, Canada, Grande-Bretagne et Norvège), qui disposent, eux, de moyens financiers et industriels considérables, en produisent plus de 25 % !
En revanche ceux qui possèdent un réel monopole sur le marché mondial du pétrole y compris sur le pétrole des pays de l'OPEP, et cela depuis toujours, ce sont les trusts occidentaux du pétrole - ceux que l'on appelait les " sept majors " en 1973, aujourd'hui réduits au nombre de six.
Ce sont ces " majors " qui, grâce à leur contrôle direct ou indirect sur la prospection, la production, la distribution et la transformation des produits pétroliers, ont les moyens de " prendre à la gorge " les pays producteurs pauvres comme ceux de l'OPEP dont le pétrole est pratiquement la seule ressource.
Ces sociétés sont aussi les premières à bénéficier de toute augmentation du prix du pétrole brut - parce que ce sont elles qui vendent ce pétrole, même si elles doivent payer au passage des royalties aux Etats producteurs. Ce n'est pas par hasard si les profits de cinq des six " majors " ont augmenté de 100 % et plus en 1999, alors que le prix du brut montait, et si cette augmentation s'est encore accélérée au deuxième trimestre de cette année lorsque son ascension a repris.
En 1973, on sait que les " majors " ont encouragé la décision des pays de l'OPEP d'augmenter leurs tarifs de référence en contingentant leur production. Peut-être même en ont-elles été les instigatrices. En tout cas les quelques milliers de gros actionnaires des majors en ont infiniment plus bénéficié que les centaines de millions d'habitants des pays de l'OPEP. Quant à l'économie mondiale, elle l'a payé d'une aggravation de la crise économique et dans certains pays d'une véritable récession.
Aujourd'hui bien des indices laissent penser que l'on assiste au même scénario : depuis les jérémiades des majors se plaignant de marges trop réduites dans les pays riches (ce qui ne les empêche pas d'amasser des dizaines de milliards de bénéfices chaque année) jusqu'au rôle joué par le Venezuela et l'Arabie Saoudite, pays très liés à l'impérialisme américain, pour obtenir que l'OPEP joue sur sa production pour relever le prix de référence à un niveau compris entre 22 et 28 dollars le baril.
Cette hausse du prix du pétrole, si elle se confirme, aura-t-elle une ampleur et un impact économique comparable à celle de 1973 ? L'avenir le dira. Mais ce qui est sûr, c'est que l'impact de cette politique pour l'économie mondiale et pour les populations est le cadet des soucis des dirigeants des " majors " dont le seul souci est l'intérêt des actionnaires. Le vrai danger, ce n'est pas l'OPEP, c'est l'irresponsabilité criminelle du capital.