" Mauvaises feuilles " : La rentrée... " littéraire " d'Allègre15/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1679.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

" Mauvaises feuilles " : La rentrée... " littéraire " d'Allègre

A défaut de rentrée scolaire, l'ex-ministre de l'Education nationale, Allègre, vient de commettre en cette rentrée un livre d'entretiens avec un journaliste. L'ancien ministre, dont la qualité première n'est toujours pas la modestie, a intitulé son ouvrage : Toute vérité est bonne à dire ! Il y aborde sa carrière scientifique, son rôle au PS, et d'abord et avant tout son séjour de trois ans au ministère.

Il aurait tout aussi bien pu donner à son livre comme titre : " Un génie réformateur méconnu ".

Un génie méconnu car, si l'on en croit Allègre tout au long du livre, il est un type formidable, capable par exemple d'inspirer des idées pour les programmes des socialistes, au point que l'on y retrouve " même des phrases " qui lui appartiennent ! Quand il parle de son activité de scientifique, la pommade lui fait presque défaut : " J'étais en pleine créativité, mais en plus j'ai commencé à recevoir des récompenses importantes... puis on m'a attribué toutes les médailles internationales qui existent dans mon domaine ou presque... ". Ailleurs : " Je le dis sans fard, sans moi, sans mon équipe, tout cela n'aurait pas existé ". Quand il évoque son premier Conseil des ministres, le monsieur est radieux : " Nous étions tous très contents, on se souriait discrètement à travers la grande table, on a pris une très belle photo... ". Vanité, quand tu nous tiens...

Mais l'essentiel du livre est tout de même ailleurs. Il est l'occasion pour Allègre de déverser, à longueur d'encre cette fois, son venin contre les enseignants. Il y excelle toujours, dans la même veine démagogique qui voudrait toucher ceux des parents d'élèves sensibles à ce genre de propos : " Dans le secondaire, toute idée de réforme est suspecte si elle ne consiste pas à donner plus de vacances, à faire moins de cours, ou à accorder des augmentations aux enseignants "... "Les enseignants, eux, travaillent moins, sont mieux payés et ont plus de vacances ". Mais si, pour Allègre, les enseignants sont quasiment payés à ne rien faire, cela ne le dérange pas par ailleurs à propos de son propre itinéraire et de sa nomination, un moment, à la direction d'un organisme étatique de contrôle du secteur minier. Il déclare par exemple, à ce propos : " Cette nomination me ravissait... d'autant plus qu'on m'avait dit que je ne devais y consacrer que la moitié de mon temps et laisser le directeur général gérer la maison " ! Allègre, absentéiste à 50 % et fier de l'être !

Si on l'écoutait, il faudrait croire qu'il a Ïuvré pour " donner l'égalité des chances à tous " !

Le combat des personnels de la Seine-Saint-Denis pour davantage de moyens contre Allègre ? " Sans mon plan de rattrapage, où en serait la Seine-Saint-Denis aujourd'hui ? " La grève des instituteurs du Midi l'an passé ? " Certains collèges dans le Midi par exemple demandaient des moyens supplémentaires. Ce n'était pas difficile à résoudre ". Allègre récrit l'histoire.

Hormis les enseignants qu'il attaque, Allègre est toutefois obligé de reconnaître que " la situation des personnels non enseignants, les techniciens, les infirmières, les assistantes sociales, administratifs, etc. est catastrophique ".

Il ne nous dit pas à qui la faute. Cela n'étonnera personne, venant de quelqu'un qui affirme vouloir " faire les réformes à moyens constants " et qui, admiratif des méthodes patronales, affirme avec sa modestie habituelle que " pendant longtemps (il a) été le ministre le plus populaire dans les entreprises ".

Le livre d'Allègre apporte surtout l'étalage de sa vanité, de sa suffisance et de son mépris pour les enseignants. Que ce soit une vérité concernant Allègre, c'est certain. Qu'elle soit bonne à constater et à dire, aussi. Mais cela ne méritait vraiment pas un bouquin.

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