Transport routier : Des aides supplémentaires qui profiteront aux plus gros patrons15/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1679.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Transport routier : Des aides supplémentaires qui profiteront aux plus gros patrons

Les patrons des entreprises de transport routier, qui possèdent au total 370 000 camions, ont obtenu une baisse de 35 centimes de la taxe sur les produits pétroliers pour l'ensemble de l'année 2000, et de 25 centimes pour l'année prochaine. Ils bénéficieront aussi d'une réduction d'impôt qui leur permettra de minimiser l'impact des hausses du gazole. Le gouvernement s'est montré compréhensif.

Dans le transport routier, parmi les 38 700 entreprises, près de la moitié comptent moins de cinq salariés et 70 % moins de dix salariés. Les mesures gouvernementales aideront sans doute un peu les petits patrons à faire " vivre " leur entreprise, même si les chauffeurs, eux, doivent vivre de plus en plus mal, dans un métier dangereux (juste après le bâtiment pour le nombre d'accidents du travail), avec des heures de travail qui n'en finissent pas, et qu'il est souvent bien difficile de se faire payer intégralement. Car ces petits patrons, pour empocher leur bénéfice, répercutent sur les salariés les exigences des donneurs d'ordres, qu'il s'agisse des grosses sociétés de transport dont ils sont parfois les sous-traitants, des patrons de l'industrie qui veulent du " flux tendu " ou des grands de la distribution qui exigent d'être livrés de plus en plus rapidement et à moindre coût.

Quant aux chauffeurs qui se sont mis à leur compte sans embaucher personne d'autre - " au nombre de 17 000 " - ils subissent directement les mêmes pressions et en viennent à s'exploiter eux-mêmes.

A l'autre bout de l'échelle, 419 entreprises emploient au total 113 000 personnes, le tiers des effectifs salariés de la profession. Parmi elles figurent quelques grands groupes comme Danzas, qui a augmenté son bénéfice avant impôt de 72 % l'année dernière, ou la société de transport créée par la chaîne des supermarchés Casino.

Ceux-là n'ont pas besoin de descendre dans la rue pour se faire entendre. " Si vous regardez bien les barrages, vous ne verrez pas les vrais gros, les Mory et Danzas ", faisait remarquer un patron routier qui emploie quinze salariés au reporter du journal Le Monde. Cependant si, à l'occasion, les petits patrons font du bruit, et que le gouvernement accourt, voilà une aubaine pour les grosses sociétés. Elles tirent les marrons du feu sans même qu'il soit opportun pour elles de se montrer sur le devant de la scène.

Les grosses sociétés de transport ne se contentent pas d'acheter des camions neufs, elles investissent dans des plates-formes logistiques qui leur permettent de diminuer les prix de revient par une organisation des circuits qui, à défaut d'être plus rationnelle (dans bien des cas la voie ferrée serait préférable), leur coûte moins cher. Dans une certaine mesure, ces sociétés peuvent répercuter les augmentations du prix de l'essence dans leurs contrats. Elles n'ont pas attendu pour cela qu'un ministre leur donne le feu vert.

Les aides que vient d'accorder le gouvernement par l'intermédiaire du ministre des Transports, Gayssot, permettront aux entreprises qui dominent déjà le secteur des transports d'accroître encore leurs bénéfices.

Un tel cadeau n'est pas le premier du genre. Déjà, les " contrats de progrès " profitent aux patrons. Leur origine remonte à juillet 1992, quand les chauffeurs routiers bloquèrent tout le pays pendant deux semaines. L'accord signé alors entre les syndicats de salariés et le patronat, qui devait limiter le temps de conduite, ne fut pas réellement appliqué. Deux ans plus tard, Balladur offrit aux patrons qui acceptaient de réduire les horaires une exonération de charges d'environ 600 F par mois et par routier. Aubry reprit le cadeau à son compte, en échange d'une réduction à 220 heures ou 208 heures par mois suivant les cas. Alors que l'exonération patronale est effective, la réduction du temps de travail est beaucoup plus fluctuante. Selon la CGT, les patrons routiers sont contrôlés en moyenne une fois tous les vingt ans et les amendes sont très faibles.

Lors d'un autre blocage des routes, cette fois par les chauffeurs en novembre 1996, c'est au patronat que Jospin accorda un avantage réel : l'allégement de 800 F par camion de la taxe professionnelle, pour que les syndicats patronaux daignent s'asseoir à la table des négociations avec les syndicats de salariés.

Plus récemment, les transporteurs ont obtenu, comme les entreprises commerciales - et contrairement aux automobilistes -, de récupérer la TVA sur le gazole, un gain de 82 centimes par litre. Ils échappent aussi en grande partie à l'augmentation annuelle de la taxe sur le gazole (décidée par Voynet !). Et pour agrémenter le tout, le gouvernement a ajouté la suppression de la taxe sur les contrats passés avec les clients depuis le 1er décembre 1999.

Avant même les cadeaux que vient de leur accorder le gouvernement, les patrons du transport bénéficiaient donc déjà d'exonérations multiples, dont le total est évalué à 7,5 milliards de francs par an. Les quelques grandes entreprises du secteur raflent l'essentiel du pactole.

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