Il y a trente ans - Septembre 1970 : Le " septembre noir " des palestiniens de Jordanie15/09/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/09/une-1679.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Il y a trente ans - Septembre 1970 : Le " septembre noir " des palestiniens de Jordanie

Le peuple palestinien se trouve toujours aujourd'hui dans une situation tragique. Le processus que l'on appelle " de paix " avec Israël n'a évidemment rien résolu. Il a permis surtout à Israël de se sortir - momentanément du moins - du bourbier sanglant dans lequel se débattait son armée du fait de l'Intifada. Arafat et ses proches, qui ont pesé de tout leur poids pour mettre un terme à cette " guerre des pierres ", ont obtenu en échange quelques confettis de territoires en Cisjordanie, ainsi que le contrôle de ce vaste bidonville que constitue Gaza. Mais la population palestinienne n'a vu en rien son sort s'améliorer.

Des potentialités révolutionnaires

Pourtant, il y a trente ans, dans les années soixante-dix, de tout autres perspectives semblaient exister pour le peuple palestinien. Les organisations nationalistes palestiniennes étaient au sommet de leur force. Quelques années auparavant, en 1967, la guerre des Six Jours entre Israël et les pays arabes s'était terminée par la débâcle militaire de ces derniers. L'occupation de la Cisjordanie par Israël avait entraîné un nouvel exode massif de population palestinienne, en particulier vers la Jordanie toute proche.

Cette défaite modifia considérablement les rapports de force dans la région. Elle renforça bien sûr Israël, mais ébranla aussi profondément tous les régimes arabes qui s'étaient montrés aussi militairement impuissants. En particulier, la population palestinienne perdit confiance dans la capacité de ces régimes à résoudre ses problèmes et se tourna vers les organisations nationalistes, jusque-là très minoritaires.

C'est ainsi que des dizaines de milliers de réfugiés, jeunes et moins jeunes, affluèrent dans les organisations palestiniennes, en particulier vers le Fath de Yasser Arafat ou le FPLP de Georges Habache, qui proposaient de poursuivre la lutte armée.

La Jordanie, qui possède la frontière la plus longue avec Israël, devint dès lors le fief de ces organisations. Dans ce pays semi-désertique, les Palestiniens étaient désormais majoritaires. Les commandos armés palestiniens avaient pignon sur rue et comptaient plus de 40 000 combattants, les " fedayins " ; l'armée jordanienne elle-même était composée en majorité de Palestiniens. De fait, les dirigeants de l'OLP, l'Organisation de Libération de la Palestine, apparaissaient comme les futurs maîtres du pays.

Cette montée en puissance du mouvement palestinien posait bien sûr un sérieux problème au roi de Jordanie, mais il en posait aussi à tous les régimes arabes, ainsi qu'à l'impérialisme américain et à ses alliés.

Depuis la fondation de l'Etat d'Israël en 1948, les dictateurs arabes utilisaient la tragédie du peuple palestinien pour justifier les malheurs de leur propre peuple, et présentaient le problème palestinien comme celui de tous les Arabes. Ils encourageaient ainsi eux-mêmes les fellahs égyptiens, syriens, irakiens ou jordaniens à se sentir totalement solidaires du réfugié palestinien, à partager ses aspirations et ses espoirs, à se sentir, en un mot, palestiniens.

Tant que les organisations palestiniennes étaient pratiquement inexistantes, cette démagogie n'avait pas trop de conséquences. Mais avec leur développement, il en allait différemment. Présents dans de nombreux pays arabes, les réfugies palestiniens, devenus des combattants organisés militairement de façon autonome à l'égard des régimes arabes, étaient désormais un symbole pour tous les pauvres de la région. Et eux, qui n'étaient que quelques dizaines de milliers dans leurs organisations, pouvaient devenir un point de ralliement pour des dizaines de millions d'hommes, pour tous les peuples de la région.

C'était là une énorme force, potentiellement révolutionnaire, qui constituait une menace, non seulement pour Israël et pour l'impérialisme mais aussi pour les régimes arabes corrompus, et qui aurait pu permettre d'affronter l'impérialisme avec des moyens bien différents.

Les Palestiniens n'en avaient sans doute guère conscience et en tout cas leurs dirigeants ne voulaient pas d'une telle perspective. Au contraire, Arafat, tout comme Habache qui se présentait pourtant volontiers comme marxiste, répétaient à tout-va que leurs ambitions étaient purement palestiniennes et qu'il n'était pas question pour eux de s'ingérer dans les affaires intérieures des Etats arabes.

Hussein passe à l'action

Mais pour les dirigeants de ces pays, comme pour l'impérialisme, ce n'était pas suffisant. Les uns comme les autres ne se fiaient que partiellement à Arafat et à ses compagnons pour contrôler les Palestiniens.

Le roi Hussein de Jordanie, le plus immédiatement concerné, se chargea donc de la répression. Pour passer à l'action, on saisit l'occasion du plan Rogers, un prétendu plan américain de paix qui fut accepté durant l'été 1970 par l'URSS, les pays arabes, et dont Israël fit mine de bien vouloir discuter. A ce moment, le Fath et surtout le FPLP de Habache menaient une campagne de détournements d'avions et d'attentats. Les organisations palestiniennes furent présentées comme les saboteurs de toute tentative de paix. Et c'est avec la bénédiction du monde entier - du leader égyptien Nasser, de l'Américain Nixon ou du Russe Kossyguine - que Hussein lança ses troupes contre les fedayins.

Le 17 septembre 1970, l'armée jordanienne utilisa ses blindés et son aviation au sein même des principales villes du pays, pilonnant les positions des organisations palestiniennes. La direction de l'OLP laissa les groupes de fedayins complètement livrés à eux-mêmes, sans directives. Ils furent vaincus les uns après les autres. Leur combat fut cependant héroïque et, malgré des milliers de morts, les troupes jordaniennes ne purent en venir à bout rapidement. Cette résistance acharnée obligea d'ailleurs les Etats arabes, tous complices, à condamner verbalement Hussein, et celui-ci dut conclure un accord de cessez-le-feu avec Arafat.

Le leader palestinien, fidèle à sa politique, chercha surtout à retrouver le soutien de ces dirigeants arabes qui venaient pourtant de laisser massacrer ses troupes. Il accepta les conditions de Hussein et fit évacuer progressivement ses combattants hors de Jordanie (en partie vers le Liban, où un drame similaire allait se jouer quelques années plus tard).

L'OLP avait laissé les fedayins se battre seuls, sans même les préparer, et elle venait d'essuyer son premier désastre. Mais surtout, en refusant de combattre les régimes arabes, qui se révélaient aussi des ennemis du peuple palestinien, tout comme Israël et l'impérialisme, elle s'engageait dans une logique de capitulations successives qui n'allait plus se démentir par la suite, dégradant toujours plus la situation du peuple palestinien et de ses leaders. On le vérifie plus que jamais aujourd'hui.

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