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Haïti : des joutes électorales sans enjeu pour la population
En Haïti, le deuxième tour des élections présidentielles, programmé pour le dimanche 24 janvier, a été ajourné sine-die vendredi 22, soit 48 heures avant l’ouverture des bureaux de vote, par cinq des neuf membres du Conseil électoral provisoire (organisme chargé de l’organisation et de la supervision des élections) « pour des raisons évidentes de sécurité », selon son président.
Une douzaine de bureaux de vote avaient été saccagés dans la nuit du jeudi au vendredi. Dans la semaine qui précédait la date prévue du scrutin, le président de la République sortant, Martelly, avait annoncé que la police était mobilisée pour assurer le bon déroulement du scrutin et la sécurité de la population. Son Premier ministre, K-Plume, avait fait savoir de son côté que toutes les manifestations étaient interdites à partir du vendredi 22 janvier à minuit.
Mais durant le week-end, plusieurs milliers de manifestants proches de l’opposition ont investi les rues de Port-au-Prince, et de quelques villes de province, avec tout le long du parcours des vitres de voitures brisées, incendiées, des magasins saccagés. Ils réclamaient le départ de Martelly et de Jovenel Moïse, celui qu’il a choisi pour lui succéder. Ce dernier a essayé d’organiser des manifestations de protestation contre l’annulation du scrutin, mais sans grand succès.
Au premier tour du scrutin présidentiel, le 25 octobre dernier, Jovenel Moïse, le candidat du pouvoir, avait recueilli 32,76 % des voix contre 25,29 % pour Jude Célestin, arrivé deuxième. Mais ce dernier avait déclaré officiellement ne pas vouloir participer au deuxième tour de l’élection, dénoncée par l’opposition comme une farce ridicule et un coup d’État électoral. Il n’y avait donc plus qu’un seul candidat à mener campagne, celui du pouvoir.
L’annonce du report du scrutin de dimanche par le Comité électoral provisoire a été bien accueillie dans les usines et dans les quartiers. Mais ce n’était pas parce que les ouvriers et la population pauvre prenaient parti pour l’opposition ou se passionnaient pour les élections, mais parce qu’ils craignaient les troubles et même les violences qui auraient pu en résulter entre les partisans des candidats opposés. Dans la zone industrielle, les patrons avaient d’ailleurs donné congé aux ouvriers du vendredi au lundi. Mais après l’annulation du scrutin, ils les ont rappelés pour travailler samedi.
Le 25 octobre, au total 54 candidats s’étaient présentés à l’élection présidentielle. Les abstentions auraient alors atteint au minimum 82 %. Comme l’écrivaient nos camarades de l’Organisation des travailleurs révolutionnaires d’Haïti (OTR-UCI) à l’époque dans leur journal, Voix des travailleurs : « La population a littéralement ignoré ces joutes électorales, ce qui a donné libre cours aux magouilles des officines du Conseil électoral provisoire et des ambassades étrangères. » Ces magouilles ont abouti à la situation actuelle, à des joutes électorales entre les mêmes politiciens au service de la bourgeoisie, des classes riches et de leurs propres intérêts. De ces joutes électorales, les travailleurs, les pauvres, n’ont rien à attendre.
Pendant que les politiciens s’empaillent pour se frayer un chemin vers des postes profitables dans le prochain gouvernement, la situation des ouvriers, des pauvres, dans les usines et dans les quartiers continue de s’aggraver.