Chamonix : deux travailleurs saisonniers décédés, un scandale27/01/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/01/2478.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chamonix : deux travailleurs saisonniers décédés, un scandale

Mercredi 20 janvier, les corps sans vie de deux jeunes travailleurs saisonniers étaient découverts dans leur camion, sur le parking des Grands-Montets, à Argentière, dans la vallée de Chamonix. Visiblement leur mort tragique a été causée par les émanations de monoxyde de carbone de leur appareil de chauffage défectueux.

Comme de nombreux jeunes travailleurs saisonniers dans les stations de ski ils n’avaient pas vraiment d’autre choix (surtout quand on ne gagne que le smic et que, bien souvent, des heures supplémentaires manquent sur la paye) que de loger dans un vieux camion bricolé pour y survivre au gré des contrats précaires et des saisons dans différentes régions.

Ce drame s’ajoute à celui survenu il y a juste trois ans, en janvier 2013, à la station de La Clusaz (toujours en Haute-Savoie) où un jeune couple de saisonniers était mort carbonisé dans un fourgon aménagé, toujours à cause d’un appareil de chauffage défectueux. Cela n’a pas empêché des notables locaux de déclarer que ces jeunes avaient fait un « choix de vie » en logeant sur un parking, mettant en avant les prétendus efforts faits pour l’accueil des travailleurs saisonniers sur le département. Mais alors, pourquoi les autres départements de l’arc alpin n’ont-ils pas connu de tels drames ces dernières années ? La réponse est simple : en fait d’efforts, beaucoup de notables des stations huppées de Haute-Savoie freinent des quatre fers dès qu’il s’agit des besoins élémentaires de logement des classes populaires, et encore plus s’il s’agit de saisonniers, souvent considérés comme des marginaux.

Ainsi, après le drame de 2013, à l’initiative de la préfecture, un objectif de mille logements pour les travailleurs saisonniers avait été fixé. Cela n’avait rien de révolutionnaire puisque la mise à disposition était étalée sur dix ans. Mais aujourd’hui, trois ans après, une cinquantaine seulement sont disponibles. En 2001, une étude des services de l’État chiffrait entre 1 200 et 1 500 les besoins de logement des saisonniers. Depuis, quelques réalisations ont été faites, mais si peu : environ 400 logements ont été financés par l’État et les bailleurs sociaux gérant le prétendu 1 % patronal, soit un tiers du minimum prévu. Sur la seule commune de Chamonix, 2 500 saisonniers travaillent chaque hiver, mais 600 restent à loger… Sans compter que, pour un logement social, il faut débourser en moyenne 400 euros, voire même 200 euros, en moyenne, pour un simple emplacement de fourgon en camping : bon nombre de ces jeunes en précarité ne peuvent pas se le permettre.

Chamonix, Megève, Saint-Gervais, Combloux… sont depuis longtemps des lieux de villégiature prisés par la grande bourgeoisie, qui considère comme normal d’avoir à sa disposition une foule de personnels de maison, d’hôtels, restaurants, commerces, remontées mécaniques, etc., à son service. Peu lui importe leurs conditions de vie, qu’ils soient salariés permanents ou saisonniers, à commencer par le logement. Il est significatif que des communes comme Chamonix et Megève aient perdu 1 000 habitants pour la première et 600 pour la deuxième, en une douzaine d’années, et cela alors que les emplois y ont constamment augmenté sur la même période. Cela signifie simplement que les travailleurs, les classes populaires, ne peuvent plus se loger dans ces vallées touristiques, non seulement faute de moyens, mais aussi à cause de certains notables locaux qui ne veulent pas entendre parler de logement social, et d’un État qui ne veut pas faire respecter ses propres lois.

Ainsi, la Haute-Savoie ne compte que 12,1 % de logements sociaux (16,8 % à l’échelle nationale) et seulement 8,2 % dans la communauté de communes Pays du Mont-Blanc (Megève, Sallanches, Combloux …), 11,6 % dans la communauté Chamonix-Mont-Blanc. À signaler aussi que, seulement sur ce dernier territoire, 800 logements en résidences secondaires sont officiellement recensés comme non ou sous-occupés. Il y aurait là largement de quoi en finir immédiatement avec le scandale du logement et des drames mortels qui ne doivent rien à la fatalité, mais à une société dominée par les riches.

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