France Télécom : Conditions de travail, ça s'aggrave jusqu'à l'overdose18/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2133.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom : Conditions de travail, ça s'aggrave jusqu'à l'overdose

Les élus du Comité d'entreprise au niveau national de France Télécom ont signalé 18 suicides ou tentatives de suicide depuis début 2008. C'est beaucoup !

L'une des victimes, dont France-Soir du 18 mai a retracé le parcours, avait travaillé jusqu'à ces dernières années sur les satellites de télécommunication au centre de Bercenay-en-Othe, dans l'Aube. Mais une réduction des effectifs avait conduit une partie du personnel à Troyes. Ce technicien de 54 ans, père de trois enfants, a ainsi été débarqué dans un centre d'appels, où on exigeait de lui un travail commercial rapportant de l'argent à France Télécom. Comme il ne faisait pas l'affaire, il avait suivi des stages, puis il avait posé sa candidature en interne à des centres techniques, même éloignés, et aussi dans la Fonction publique.

C'est en effet la politique de France Télécom, société privatisée mais dont 70 % des salariés sont encore des fonctionnaires, que de se débarrasser d'un maximum de ceux-ci en les poussant vers les préfectures ou les services des Conseils généraux par exemple. Mais cela n'a rien d'évident, étant donné les suppressions de personnel dans les administrations, et ce travailleur n'avait rien trouvé.

Un tel parcours est assez banal à France Télécom, même si, heureusement, il ne conduit généralement pas à un geste aussi dramatique. Depuis sa transformation en société anonyme en 1996, les effectifs sont passés de 160 000 salariés à 100 000. Rien que ces trois dernières années, un travailleur sur cinq a quitté l'entreprise et 14 000 autres ont été reconvertis vers des métiers dits « prioritaires » et notamment les centres d'appels comme le 10-14, où les conditions de travail sont difficiles : les opérateurs doivent souvent faire face au mécontentement des clients et les appels se succèdent les uns derrière les autres pendant toutes leurs vacations, avec seulement quelques minutes de pause. Même les jeunes qu'ils côtoient, recrutés dans des emplois précaires, souvent n'arrivent pas à tenir longtemps.

France Télécom se vante que ces suppressions d'emplois aient lieu sans licenciements. Mais ceux qui restent subissent tout le poids de la course à la rentabilité, avec des objectifs financiers toujours plus élevés à atteindre dans des délais très courts. Il y a de moins en moins de salariés de France Télécom dans les petites villes et même les villes moyennes. Le personnel est obligé d'aller toujours plus loin pour conserver son emploi. Par exemple, la fermeture de la boutique de Villefranche-de-Rouergue est annoncée pour la fin de l'année. La direction a promis un reclassement « de proximité », du moins pour les fonctionnaires. Or les boutiques les plus proches, après la fermeture de celle de Decazeville l'année dernière, sont à Figeac, Rodez et aussi Cahors, où des mutations sont prévues vers Montauban, qui ne serait peut-être qu'une étape vers Toulouse... On comprend que, dans les différentes villes, les travailleurs de France Télécom se mobilisent.

En Ile-de-France aussi, les déménagements sont incessants. Cela devient un privilège de n'avoir pas changé de bâtiment pendant un an. Les changements de service, individuels ou collectifs, sont d'une telle fréquence que bien souvent il n'y a même plus de « pot » pour les accompagner, et il en est de même pour les départs en retraite, étant donné le grand nombre de « nouveaux » dans le service.

Ce mouvement perpétuel peut amener les plus fragiles des salariés, qui ont aussi des soucis à l'extérieur de l'entreprise, à perdre pied. France Télécom a créé des cellules d'écoute très encadrées et propose des formations pour apprendre à « gérer son stress ». Ce sont ainsi les conséquences individuelles de sa politique que la direction reconnaît à sa manière, et évidemment pas l'aggravation des conditions de travail.

Or le stress est bien collectif, et le problème n'est pas de savoir comment chaque salarié peut s'accommoder d'une vie au travail qui se dégrade, mais de retrouver les discussions et la solidarité qui permettront, collectivement, de ne pas se laisser faire.

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