Total au-dessus des lois ?18/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2133.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Procès AZF - Toulouse

Total au-dessus des lois ?

Le procès de l'explosion de l'usine AZF du 21 septembre 2001, commencé le 23 février 2009, touche à sa fin. Mercredi 10 juin, Thierry Desmarest, ex-PDG de Total en 2001 et actuel président du conseil d'administration du groupe, était entendu dans le cadre de la « citation directe à comparaître » initiée par des sinistrés.

Pendant près de huit ans de procédure, la justice avait ignoré Total et son PDG de l'époque. Il a fallu que des sinistrés s'emparent de la procédure dite de « citation directe » et que le président du tribunal la joigne au procès en cours, pour que Total et son PDG soient considérés comme « prévenus » et tenus de s'expliquer.

Mais Total est un groupe puissant, et pour tout dire au-dessus des lois.

Ainsi, les deux avocats sollicités par les sinistrés pour représenter cette « citation » s'étaient déjà désistés... le jour de l'ouverture du procès. Et le jour de l'audition du PDG, devant ce dernier qui était entendu par le tribunal, l'avocat commis d'office pour porter la « citation » des sinistrés s'est présenté pour dire... qu'il ne plaiderait pas contre Desmarest. L'épisode a abrégé quelque peu l'audition et, devant le président embarrassé, les soutiens de Total étaient fort satisfaits. Les sinistrés, ulcérés de ce énième coup de Jarnac, doivent maintenant chercher comment poursuivre quand même leur action.

Le « prévenu » Desmarest, ex-PDG de Total, n'a rien à dire

Manifestement, son statut de « prévenu » agaçait quelque peu Thierry Desmarest, lui qui disait avoir ignoré jusqu'à l'existence d'une usine d'engrais Grande Paroisse - AZF à Toulouse parmi le millier de sites que le groupe possède dans des dizaines de pays.

Son audition n'aura duré que deux heures, pause comprise. Il a su parfaitement jouer la comédie de la compassion, avec le petit tremblement dans la voix au bon moment, mais en répondant aux questions des avocats des parties civiles, comme du président, de façon beaucoup plus lapidaire. Il est vrai qu'il n'avait pas pris connaissance de l'enquête, du rapport des experts, ayant « des collaborateurs pour cela ». Et lorsque le président s'est fait le porte-parole d'une partie civile, en l'occurrence un ex-salarié AZF reprochant la politique du groupe en matière de sous-traitance, d'économies sur la sécurité, il s'est contenté d'affirmer que « la sécurité dans le groupe Total passe avant tout ».

Interrogé par le président du tribunal, qui s'étonnait qu'une usine comme Grande Paroisse n'était inspectée que tous les trois ans, et encore pas tous les ateliers à chaque visite, le porte-parole de Total s'est défendu en disant qu'en matière de sécurité Grande Paroisse - AZF avait « de meilleurs résultats que la moyenne de l'industrie chimique ». C'était presque à se demander s'il y a réellement eu une explosion avec 31 morts, des milliers de blessés et des dizaines de milliers de sinistrés.

« Leurs profits avant tout »

Les sinistrés avaient voulu marquer le coup en organisant un rassemblement juste avant l'audition de Desmarest, rassemblement qui a regroupé 80 personnes au rond-point du 21 septembre 2001 à 500 mètres du lieu du procès. Lors des prises de parole, un ex-salarié d'AZF a résumé ce que tous pensaient : « Je reste convaincu après ces semaines de procès de la culpabilité du trust Total (...) J'ai travaillé pendant plus de vingt ans dans cette usine, j'ai été syndicaliste, et je peux vous dire qu'on ne se battait pas que pour des augmentations de salaire, mais le plus souvent contre les réductions d'effectifs, contre les économies en matière de sécurité, contre les détournements de la législation en matière d'accidents du travail, contre le développement de la précarité et de la sous-traitance. (...)

Ce n'est pas Desmarest qui a fait sauter le 221, aucun patron n'a intérêt à faire sauter son usine, mais ils en prennent le risque chaque fois qu'ils font passer leurs "profits" avant tout. »

Quant au représentant de la CGT Grande Paroisse de Grand-Quevilly (Seine-Maritime), présent lui aussi au rassemblement, il a affirmé que, malgré l'explosion du 21 septembre 2001, la politique de Total n'avait pas changé en matière de sécurité : économies d'effectifs et sous-traitance étaient la règle. Pour conclure : « À quand la prochaine catastrophe ? »

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