Cela fait presque deux mois que la direction de Freescale a annoncé l'arrêt des activités de production pour fin 2011, et en conséquence le licenciement d'au moins 800 salariés (sur 1 700), qui s'ajoutent aux 230 licenciements prévus dans le secteur téléphonie avant fin 2009.

Après un temps de stupeur, les salariés ont commencé à s'organiser avec une assemblée générale tous les lundis après-midi, et des réunions préparatoires pour les cinq équipes de production, les réunions de négociations se déroulant tous les jeudis. L'opinion majoritaire dans ces premières assemblées était que la garantie pour gagner était l'unité des six syndicats dans une intersyndicale, renforcée par une « coordination » composée de représentants de chacune des équipes.

Depuis, les négociations n'ont apporté pratiquement aucune avancée et la direction s'est crue assez forte le jeudi 4 juin pour sermonner les syndicats et les représentants de l'assemblée générale (la « coordination ») qui participent aux réunions de négociation : « Vous dépassez les deux heures par semaine qu'on vous a accordées pour les AG, les salariés qui veulent travailler sont agressés verbalement, certains sont même menacés, le plan de production n'a pas été atteint, les membres de la coordination se comportent comme s'ils avaient des heures de délégation... » Le lendemain, trois des six syndicats (FO, le syndicat majoritaire sur l'usine, UNSA et CGC) ont quitté l'intersyndicale en déclarant qu'ils ne voulaient plus se soumettre aux décisions de l'AG dont ils ne reconnaissaient plus la légitimité et en appelant tous les salariés de leur sensibilité à ne plus participer à l'assemblée générale.

Ces deux initiatives manifestement coordonnées pour torpiller l'AG n'ont pas eu l'effet escompté et ont au contraire énervé beaucoup de travailleurs. Ainsi l'AG de l'équipe de nuit de semaine a voté une action pour le jeudi suivant à l'unanimité, l'AG de l'équipe de nuit de week-end a décidé qu'elle continuerait à prendre le temps nécessaire pour se réunir, et l'AG de l'équipe de jour de week-end décidait qu'elle passerait désormais à deux AG par week-end... et improvisait une première manifestation devant la grille de l'usine, en débrayant une heure, le samedi en fin d'équipe.

Le lundi 8 juin, l'assemblée générale de site rassemblait 660 travailleurs, le même nombre que le lundi précédent, et ceci dans un calme et une efficacité remarquables. Elle ratifiait les revendications présentées par l'intersyndicale (CGT, CFDT et CFTC) et la « coordination », à savoir une indemnité de départ de 150 000 euros, plus deux mois de salaire par année d'ancienneté, plus six mois de salaire de carence ; elle votait le principe d'actions hors du site et décidait d'une action immédiate devant l'usine pour manifester le mécontentement à l'extérieur. Elle démontrait ainsi qui avait la légitimité pour parler au nom des salariés.

Du coup, la quasi-totalité de l'équipe d'après-midi débrayait une heure et les travailleurs se retrouvaient à 200 avec sifflets, banderoles, autocollants pour distribuer des tracts aux automobilistes, qui manifestaient leur solidarité à grands coups de klaxon.

Depuis, les initiatives se sont multipliées sur toutes les équipes, toujours sous la forme d'un rassemblement devant l'usine avec distribution de tracts, avec un temps fort le jeudi matin qui a rassemblé les équipes de nuit, de matin et une partie des salariés en horaire de jour. Cette manifestation a été couverte par la presse.

Samedi 13 juin nous manifestions à plus de 400 dans les rues de Toulouse, derrière le cortège des salariés de Molex. Tout avait été prévu pour être vu et se faire entendre, aux cris de « Non aux licenciements ; les actionnaires se sont gavés, maintenant ils vont payer ; salariés torpillés mais pas coulés, ça va péter ! » Et le moral est au beau fixe.