Liban : Un équilibre fragile30/05/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/05/une2078.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Liban : Un équilibre fragile

Au Liban, il aura fallu 18 mois de crise pour qu'un président de la République soit élu. Cela a été chose faite dimanche 25 mai avec l'élection du général Michel Sleimane, jusque-là commandant en chef de l'armée. Celui-ci a été finalement accepté comme l'arbitre possible, non seulement entre les différentes factions libanaises, mais aussi entre les différentes puissances qui se disputent l'influence sur le pays.

La crise durait depuis l'automne 2006, au lendemain de la guerre menée par Israël contre le Liban l'été précédent et après que l'armée israélienne eut échoué dans sa tentative d'anéantir les milices du Hezbollah. Celui-ci, fort de son succès et se présentant comme le seul parti capable de mener la résistance à Israël, avait revendiqué une plus grande place au gouvernement, ce que les autres fractions lui avaient refusé. Du même coup, aucun compromis n'avait été possible pour l'élection du président de la République, prévue en novembre 2006 et, depuis, des militants du Hezbollah campaient au centre de Beyrouth, exigeant une place pour leur parti. Une partition de fait s'installait entre les secteurs tenus par les milices du Hezbollah, en particulier au sud, et les secteurs sunnites, chrétiens et druzes. À plusieurs reprises, des affrontements éclataient, prenant de plus en plus un caractère d'affrontements confessionnels, notamment entre musulmans sunnites et chiites.

Au-delà de la raison officielle de l'affrontement, la place plus ou moins grande accordée dans le gouvernement aux représentants du Hezbollah, il y a la lutte d'influence entre les différentes fractions confessionnelles, dans un pays où le colonialisme français, pour régner, a construit des institutions basées sur elles. Ainsi, le président de la République doit être chrétien maronite, le Premier ministre musulman sunnite et le président de la Chambre des députés musulman chiite.

Traditionnellement, les dirigeants impérialistes américains et français se sont appuyés sur les dirigeants chrétiens libanais pour imposer au Liban un gouvernement pro-occidental, correspondant par ailleurs aux intérêts de la petite fraction de bourgeois affairistes dominant le pays. Plus récemment, ils ont pris appui de plus en plus sur les dirigeants musulmans sunnites, entre autres sur le clan Hariri, milliardaire enrichi dans la spéculation immobilière du Golfe à l'Arabie saoudite et au Liban même, lui-même allié au clan druze de Walid Joumblatt et à différentes fractions chrétiennes. En revanche les dirigeants de la communauté chiite, mécontents de n'avoir que la portion congrue dans le partage du pouvoir, ont cherché et trouvé l'appui de pays voisins comme la Syrie et l'Iran.

Du coup l'affrontement entre fractions confessionnelles reflète, jusqu'à un certain point, l'affrontement entre les différentes puissances : d'une part les puissances occidentales et leurs alliés locaux, d'Israël à l'Arabie saoudite, aux États du Golfe et à l'Egypte, de l'autre l'Iran et la Syrie qui, pour les États-Unis, sont les ennemis du moment. Et le compromis trouvé le 25 mai illustre le fait que, pour l'instant, l'affrontement débouche plutôt sur un match nul.

Le Hezbollah mais aussi derrière lui la Syrie et l'Iran ne demandent rien d'autre que de parvenir à un compromis, non seulement au Liban mais plus généralement avec les dirigeants impérialistes. Par ailleurs les États-Unis et Israël se sont englués en Irak, en Afghanistan et en Palestine. Après leurs prétentions à remodeler le Moyen-Orient en fonction de leurs intérêts et en battant en brèche toutes les puissances concurrentes, ils doivent revoir leurs ambitions à la baisse, au moins pour l'instant, et rechercher quelques compromis. Les pourparlers de paix ouverts, comme on l'a su récemment, par Israël avec la Syrie en sont d'ailleurs un autre signe.

C'est cette situation qui a ouvert la possibilité de désigner comme président le chef d'une armée qui avait évité de s'impliquer trop directement dans le conflit. La guerre civile qui menaçait le Liban est donc suspendue, au moins pour un temps. Mais on peut se demander combien.

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