Chirac au Maroc : Des cadeaux qui nourrissent l'amitié16/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1837.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chirac au Maroc : Des cadeaux qui nourrissent l'amitié

Après Raffarin en juillet, Chirac est allé saluer la semaine dernière sur ses terres Mohammed VI, l'actuel souverain du Maroc, le fils de Hassan II, celui que décrivait et dénonçait l'écrivain Gilles Perrault dans son livre Mon ami le roi, évoquant toutes ces personnalités françaises et autres qui fréquentaient ce despote et bénéficiaient de ses faveurs.

S'il fallait en croire Chirac, il y a désormais au Maroc "un processus de modernisation économique et d'approfondissement de la vie démocratique". La réalité est tout autre. Mohammed VI, qui se targuait volontiers d'entamer une nouvelle façon de gouverner en rupture avec le régime à poigne de son père, est en fait son héritier, dans tous les sens du terme. Il maintient l'oppression de la population marocaine et sa misère, dont les bourgeois et les potentats locaux s'engraissent. Les groupes industriels -principalement français- continuent à y faire de fructueuses affaires.

Six millions de Marocains vivent officiellement en dessous du seuil de pauvreté, ce qui conduit une partie d'entre eux, jeunes et adultes, à tenter d'y échapper au péril de leur vie, en cherchant refuge et travail en Europe. Mais cela ne gêne pas Chirac que Mohammed VI laisse sa police remplir les prisons, y torturer et y violer. A une question posée par les journalistes à propos de Ali Lmrabet, journaliste franco-marocain condamné à trois ans de prison et à l'interdiction de ses deux hebdomadaires pour "outrage à la personne du roi", il a répondu que la condamnation avait été prononcée "par une justice souveraine" et que c'était une "affaire purement marocaine".

De même, Chirac se félicite des timides modifications juridiques apportées au statut de la femme par Mohammed VI, justifiées par référence au Coran. Car, si l'âge de mariage des filles passe de 15 à 18 ans, la réforme n'abolit vraiment ni le droit de répudiation ni la polygamie, tolérée si elle reste dans des limites raisonnables, alors que ces dispositions maintiennent les femmes dans un statut de mineures, sous la tutelle des hommes.

La complaisance de Chirac n'est pas sans rapport avec le fait qu'il était accompagné dans son voyage par une quinzaine de patrons dont les PDG de Bouygues, de Vivendi, d'Accor et de Thales, autant dire des représentants des grands groupes français qui font très largement leur beurre dans ce pays. Rien qu'en 2001, Vivendi avait acquis 35% du capital de Maroc Télécom, et Auchan 49% de Cofarma. Plus récemment, le groupe Castel a racheté les Brasseries du Maroc et Renault a pris 38% de la société marocaine de construction automobile Somaca. Quant à Bouygues Construction, le roi du béton si bien en cour auprès des rois du Maroc, son dernier contrat s'élève à 225 millions d'euros pour la première phase d'un nouveau port commercial à Tanger, que Chirac est allé admirer.

Quand Chirac parle de relation "ancienne" qui "plonge ses racines dans notre passé commun", il faut entendre qu'il souhaite que le Maroc reste dans la zone d'influence de l'ancienne puissance coloniale que la France a été. Le gouvernement français avait annoncé en juillet le doublement de son aide dite de développement, autrement dit un accroissement des sommes qui vont servir à alimenter les carnets de commandes des industriels français.

Cela vaut bien une accolade à un potentat.

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