Projet de loisur la négociation collective : Du grain à moudre pour les syndicats16/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1837.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Projet de loisur la négociation collective : Du grain à moudre pour les syndicats

Le gouvernement a dans ses cartons un projet de loi modifiant les conditions de ce que l'on appelle abusivement le "dialogue social". Même si d'ici la loi définitive bien des modifications peuvent intervenir, la principale nouveauté sera l'introduction du principe majoritaire pour valider les accords interprofessionnels, de branche ou d'entreprise. Cette innovation procède en partie du désir gouvernemental d'afficher, à quelques mois des élections, un visage un peu moins revêche sur le terrain social, et d'apparaître sans frais comme partisan du "dialogue", en s'apprêtant à donner un os à ronger aux grandes confédérations syndicales, en particulier à la CGT.

Jusqu'à présent, la signature d'un seul syndicat, fût-il nettement minoritaire, suffit à valider un accord. Grâce à cela, les patrons ont pu négocier bien des accords d'entreprise sur les 35 heures: avec un seul syndicat à la signature complaisante, les patrons ont pu imposer des conditions qu'excluaient les syndicats recueillant une majorité des suffrages du personnel. C'est en vertu de cette règle que l'accord diminuant les allocations des intermittents du spectacle a pu être adopté avec l'aval de trois syndicats représentant ensemble 12% des voix aux élections professionnelles.

La nouvelle loi mettrait donc un terme à ce type de situations, en imposant à chaque niveau que les accords soient approuvés par les syndicats représentant la majorité des voix des salariés. Pour des raisons faciles à comprendre, cette revendication était chaudement appuyée par les deux principales centrales, la CGT et la CFDT, tandis qu'elle était combattue par les plus faibles (FO, CFTC et CGC). Car si les premières ne pourront ainsi plus être écartées aussi facilement de la table des négociations, les secondes, à l'inverse, risquent dorénavant de passer dessous.

Cela dit, si cette nouvelle procédure peut faire croire à une meilleure garantie face à la toute-puissance patronale, cette garantie est toute relative, tout comme le souci de "démocratie" qu'elle semble introduire.

D'abord, parce que, dans chaque branche, la modification des règles sera elle-même soumise à l'obligation que les syndicats minoritaires ne s'y opposent pas. Ceux-ci ayant plus à perdre qu'à gagner à ce changement, il y a fort à parier en l'état actuel des choses que bien peu de branches passeront au système majoritaire. Le texte de François Fillon s'avèrerait alors un pétard mouillé.

Mais même si le principe majoritaire devait, d'une manière ou d'une autre, être imposé, il ne pourrait constituer un point d'appui pour les salariés que si les plus grandes centrales syndicales prennent fermement la défense des intérêts des travailleurs dans les négociations avec le patronat.

Le cas de la confédération CFDT est significatif: depuis plusieurs années, elle s'est clairement positionnée comme un syndicat prétendument de "proposition", disons plus justement d'approbation des propositions patronales et gouvernementales (signant récemment les accords sur la retraite et ceux sur l'indemnisation des intermittents du spectacle). Mais la CGT, qui se montre un peu moins empressée de signer tout et n'importe quoi, a évolué ces dernières années dans la même direction, comme en témoigne sa récente signature de l'accord sur la formation continue des salariés.

En rendant la signature de la CGT nécessaire pour l'adoption d'un certain nombre de textes, le calcul du gouvernement est de l'encourager à se sentir encore plus "responsable", et partie prenante de cette concertation qui est un piège, si l'on se place du point de vue des salariés.

Au passage, le texte étend la possibilité pour des accords d'entreprise de constituer des dérogations aux accords de branche. Ce point n'est pas annexe, puisqu'il peut rendre caduc, au niveau de chaque entreprise, les accords signés à un autre niveau, laissant de la sorte le dernier mot à chaque patron.

Au final, s'il est difficile de savoir quelle sera la portée du texte définitif, il est probable que ses effets, au mieux, seront un acquis pour les appareils syndicaux et la porte ouverte à la remise en cause des accords signés au niveau des branches, et du coup, signés au plan national.

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