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Dans les entreprises
Air France : se défendre contre les voyous du patronat
Lundi 12 octobre, à 16 heures, devant la division Cargo d’Air France à Roissy, plusieurs centaines de salariés, prévenus dans l’urgence, se sont rassemblés pour exiger la libération de six de leurs camarades, arrêtés le matin même à la demande de la direction.
Plusieurs personnalités politiques, dont notre camarade Nathalie Arthaud venue apporter le soutien de Lutte Ouvrière aux travailleurs d’Air France, et d’abord à ceux que frappe la répression, ont dénoncé les attaques de la direction et le front antiouvrier constitué à cette occasion, de Valls à Sarkozy et Marion Maréchal-Le Pen.
Des travailleurs pris en otages
Après l’explosion de colère du personnel lors du comité central d’entreprise (CCE) du 5 octobre, où la direction a annoncé 2 900 suppressions d’emplois, dont – une première – des licenciements secs, elle craint que la colère s’étende. D’autant que ces licenciements s’ajoutent aux 20 000 emplois supprimés en quinze ans, au fil de plans de départs dits volontaires et du non-remplacement de départs en retraite. Alors, la direction veut faire peur. Car, malgré l’avalanche d’insultes et menaces contre les travailleurs « voyous » qui se rebiffent, elle sait que, même parmi le personnel qui n’a pas manifesté au CCE, beaucoup se sont sentis vengés par les images de hauts cadres licencieurs pris à partie.
Le 12 octobre, des policiers ont donc arrêté six travailleurs du fret et de la maintenance, qui auraient été identifiés comme ayant pris part aux incidents lors du CCE. Cinq ont vu leur garde-à-vue portée à 48 heures, comme s’il s’agissait de dangereux malfaiteurs. Relâchés mardi 13, ils vont passer en procès pour « violences en réunion ». Outre d’être renvoyés d’Air France, ils risquent jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.
Dans les ateliers, les hangars, nombreux sont les travailleurs qui se sentent à juste titre attaqués par ce qui frappe cinq d’entre eux.
Vol patronal… de gagne-pain ouvrier
En 2014, lors de la grève des pilotes, de Juniac, président du groupe Air France-KLM, citait avec envie ce que lui avait déclaré le patron de Qatar Airways : « Chez nous ce serait impossible, on les aurait tous envoyés en prison. » On le voit, lui qui aime tant se plaindre de la concurrence des compagnies du Golfe, il en prend de la graine. Cela ne l’empêche pas de se targuer de pratiquer le dialogue social.
Proche de Sarkozy, qui l’a nommé à la tête d’Air France, il a le soutien du gouvernement. Et avec les 640 000 euros qu’il a touchés en 2014, primes non comprises, il ne se gêne pas pour priver de leur emploi, donc de leur salaire, des travailleurs qui triment, souvent en horaires d’équipes, pour 1 800 euros en moyenne par mois. C’est dans l’ordre des choses.
Mais que des pilotes refusent de faire gratuitement 100 heures de vol en plus par an, soit le double en termes de travail effectif, là ça ne va plus. Et puis la direction n’attend que d’avoir fait céder le principal syndicat de pilotes pour revoir à la baisse la convention de travail des hôtesses et stewards. À eux aussi elle veut imposer une centaine d’heures de travail en plus, de nouvelles réductions d’effectifs à bord, etc.
Le comble est atteint pour le patron quand – chose que l’on n’avait pas vue depuis longtemps à Air France – deux mille salariés se retrouvent, au coude-à-coude personnel navigant et personnel au sol, pour lui dire non.
Leurs chemises ou notre peau
Face à cette violence patronale, « ce n’est pas notre chemise, c’est notre peau qu’on défend », a dit devant les caméras un ouvrier de la maintenance, le 12 octobre.
C’est leur emploi, leur salaire que défendent par exemple les travailleurs du fret, eux qui se sont sentis particulièrement visés par les menaces de licenciements, dont 1 700 pour le personnel au sol. Car cela fait des années que la direction leur serine qu’ils ne sont pas rentables, que l’activité Cargo est déficitaire.
Le chantage à la concurrence et à la faillite, la direction s’en est servie pour accroître ses profits et l’exploitation du personnel. Avec son plan Transform 2015, elle a imposé à tous 20 % de gains de productivité en trois ou quatre ans. Dans le même temps, elle a fait disparaître 8 000 emplois.
Cerise gouvernementale sur le gâteau patronal, Air France a touché 109 millions en 2015 au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi. Côté compétitivité, les bénéfices sont là ; côté emplois, la compagnie ne cesse d’en supprimer avec la bénédiction du gouvernement.
Et ce n’est pas fini. Elle a dans ses cartons 5 000 nouvelles suppressions d’emplois pour après la présidentielle de 2017. Autant dire que l’argument des « sacrifices nécessaires le temps de revenir à l’équilibre », qu’elle ressasse depuis des années, est un leurre. Il ne vise qu’à désarmer la colère justifiée du personnel. Et si cela ne suffit pas, il reste la police, la justice et le chœur des politiciens de la bourgeoisie pour venir à sa rescousse.
Les événements de ces jours derniers éclairent ce qu’il en est du discours de la direction, de son dialogue social, de l’appui que lui accorde l’État contre ses salariés. Au fond, tant mieux. Face aux véritables voyous, les patrons et leurs soutiens, les travailleurs ont besoin d’y voir clair pour se défendre contre les attaques d’aujourd’hui et celles qui sont déjà en chantier pour demain.
Jeudi 22 octobre, douze syndicats appellent à se rassembler devant l’Assemblée nationale contre la politique de la direction d’Air France. Espérons que nombre de salariés de la compagnie en profiteront pour marquer leur colère.