Banques et spéculation : peu de règles, c’est encore trop14/10/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/10/2463.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Banques et spéculation : peu de règles, c’est encore trop

Suite à la crise financière de 2008, tous les dirigeants du monde avaient affirmé qu’il fallait réguler la finance. Il avait alors été question d’instituer, au moins à l’échelle européenne, une taxe sur les transactions financières et une loi obligeant les banques à séparer leurs activités de détail de leurs activités d’investissement.

La première réglementation était censée freiner la spéculation et la deuxième devait protéger la finance prétendument saine de la finance à risque pour éviter les « crises systémiques », c’est-à-dire tenter d’empêcher qu’une faillite d’une grosse banque entraîne des pans entiers du système bancaire.

Après d’interminables tractations, la montagne avait finalement accouché d’une souris et de contraintes dérisoires à l’encontre des banques : les banques françaises, par exemple, ne devant filialiser qu’à peine 2 % de leurs activités jugées à risque.

Aujourd’hui, même ce peu est devenu trop. Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, président de la Fédération bancaire française et de la Fédération bancaire européenne, a pris en main le lobbying des banques. Prétendant que son souci est de s’impliquer davantage « dans le dialogue et la pédagogie », il a commencé à orchestrer une propagande visant à obliger les États à revenir sur ce peu de réglementation que les banques avaient semblé tolérer après 2008.

Pour arriver à ses fins, Oudéa joue sur la fibre anti américaine. Il pointe du doigt les grandes banques américaines, qui se sont renforcées et qui menaceraient les banques françaises et européennes, déclarant : « Il en va de la souveraineté financière de l’Europe. » Lui emboîtant le pas, le journal économique Les Échos dénonce « l’escalade réglementaire » dont seraient victimes les banques européennes. Exprimant les choses de façon encore plus outrancière, l’éditorialiste de ce journal écrit : « On va livrer les clés de notre industrie à une poignée de géants anglo-saxons. (…) Avec à peine deux années de bénéfice, JP Morgan ou Bank of America pourraient s’offrir la Société générale. » Et il conclut : « À qui profite la crise de 2007 ? À ceux par qui elle est arrivée : les banques américaines. (…) Les concurrentes européennes crient à l’injustice. »

Les grandes banques européennes criant à l’injustice : on ne peut s’empêcher de sourire. Mais tout cela aura des conséquences pour l’ensemble de la société. Cette propagande en provenance des sommets de la finance européenne arrive à un moment où l’économie mondiale est plus que jamais en plein marasme. Le Fonds monétaire international a récemment annoncé qu’il revoyait à la baisse ses prévisions concernant la croissance mondiale, prévisions qui étaient déjà peu optimistes. Par ailleurs, les banques centrales des grands États capitalistes continuent de prêter à des taux quasiment nuls. Peu de perspectives d’investissement d’un côté, argent coulant à flots de l’autre : c’est le cocktail explosif favorisant toutes les spéculations. Et ce que veulent les banques européennes est qu’aucune réglementation, même de façade, pour faire plaisir à l’opinion publique, ne vienne gêner leur soif de spéculer.

Tous les financiers et les économistes savent qu’objectivement cette frénésie de spéculation ne peut qu’entraîner de nouveaux krachs financiers. Mais ce n’est pas la raison qui guide ce système, c’est le profit, et même le profit à court terme.

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