États-Unis : les travailleurs de Fiat-Chrysler désavouent la direction du syndicat14/10/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/10/2463.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : les travailleurs de Fiat-Chrysler désavouent la direction du syndicat

Le 1er octobre, les dirigeants du syndicat des travailleurs de l’automobile, l’UAW, ont dû annoncer que les travailleurs de Fiat-Chrysler avaient rejeté le projet de contrat pour quatre ans négocié avec la direction et qu’ils leur avaient chaudement recommandé d’adopter. Les 40 000 salariés concernés ont voté non à 65 %, pour protester contre les mensonges de la direction et des dirigeants syndicaux. C’est la première fois depuis 1982 qu’un contrat ainsi négocié à l’échelle nationale est rejeté par le vote des travailleurs.

Cette année, alors que Fiat-Chrysler avait renoué avec les profits et se vantait de ses succès, les travailleurs espéraient qu’il serait mis fin aux sacrifices imposés depuis des années, sous prétexte de sortir l’entreprise de la faillite, et qu’ils allaient voir leurs salaires et leurs conditions de travail s’améliorer. Cet espoir était conforté par les discours de congrès des dirigeants de l’UAW, se faisant fort d’obtenir satisfaction dans les négociations à venir. Mais le projet de contrat sorti des négociations le 15 septembre était bien loin de répondre à ces espérances et a plutôt constitué une véritable provocation.

Un projet provocateur...

Provocation sur les salaires : depuis des années, la direction avait obtenu le droit d’embaucher à un salaire réduit de moitié, sous réserve que ces nouveaux embauchés rattrapent ensuite le salaire des anciens suffisamment rapidement pour qu’il n’y ait jamais plus de 25 % des travailleurs qui soient ainsi sous-payés. Or, aujourd’hui, 45 % des ouvriers de Fiat-Chrysler sont dans ce cas, les anciens salariés étant de plus en plus remplacés par des nouveaux sous-payés. De plus, le nouveau contrat entérinait le fait que, lorsque les vieux salariés auraient quitté l’entreprise, cette grille de salaire au rabais s’appliquerait à tous, ou du moins à presque tous, car des grilles de salaires encore plus défavorables devaient être appliquées pour la production de certaines pièces détachées !

En ce qui concerne les emplois, le contrat prévoyait que les voitures individuelles seraient fabriquées au Mexique et les autres véhicules aux États-Unis, et que toutes les productions seraient déplacées dans les différentes usines : un véritable chassé-croisé qui ne manque pas d’inquiéter les travailleurs.

Enfin, des changements dans l’assurance médicale des salariés laissaient prévoir qu’ils auraient plus à payer pour des prestations moindres.

Les travailleurs n’ont pas été dupes, ils ont manifesté leur colère dans des réunions houleuses avec les dirigeants syndicaux et ont voté massivement contre ce contrat.

Après avoir fait mine pendant quelques heures de se préparer à lancer un ordre de grève, en quelques jours les dirigeants de l’UAW ont négocié avec la direction une nouvelle mouture du contrat, un peu améliorée, en faisant le pari que cela suffirait pour qu’il ne soit pas rejeté.

... et une nouvelle copie

Dans la nouvelle mouture, le projet de réorganisation de l’assurance-maladie est retiré, ce qui n’empêchera pas d’augmenter ce qui reste à la charge des assurés tout en diminuant les prestations. Les travailleurs plus récents, embauchés à demi-salaire, pourront rejoindre la grille de salaire des anciens au bout de... huit ans d’ancienneté, ancienneté que la grande majorité d’entre eux n’a pas encore. Voilà qui laisse certains tout de même un peu sceptiques, car le contrat est signé pour quatre ans et la direction vient de montrer qu’elle peut renier sans vergogne ses engagements.

Quant aux augmentations de salaire pour les anciens salariés qui n’ont rien eu depuis dix ans, elles sont loin de faire le compte, même avec les 1 000 dollars supplémentaires de prime de signature ajoutés dans la nouvelle mouture.

Le nombre d’emplois supprimés ou créés pour chaque usine est précisé dans le contrat : il s’agit d’un chamboulement complet. Mais le résultat net prévu est 103 emplois supplémentaires en quatre ans. Autant dire rien, alors que les ouvriers réclament une amélioration de leurs horaires et conditions de travail : cadences inhumaines et journées de travail de 10 heures. L’aménagement des horaires est reporté à une négociation ultérieure !

La direction du syndicat, qui recommande plus que jamais aux travailleurs de voter oui, dit vouloir se donner le temps « d’expliquer » le contrat, c’est-à-dire de le peindre en rose. D’ailleurs elle paye (cher) une entreprise de conseil en communication pour ce faire et elle compte bien utiliser toutes les pressions possibles pour convaincre les travailleurs.

La direction syndicale a décidé que le vote des 40 000 travailleurs de Fiat-Chrysler sur le nouveau projet de contrat se ferait sur deux jours, les 20 et 21 octobre, et non pas près de deux semaines comme la dernière fois, car les votes négatifs connus dans les premières usines avaient renforcé la volonté de s’opposer aussi dans les autres. Autant dire que, cette fois, les dirigeants syndicaux ne sont pas si sûrs d’un vote oui qui pourrait en entraîner d’autres, mais veulent tout faire pour ne pas être désavoués une seconde fois. Ce serait pourtant l’intérêt des travailleurs de réitérer leur refus et de se préparer à imposer leurs exigences.

En tout cas, en obligeant la direction de Fiat-Chrysler et la direction de l’UAW à revoir leur copie, les travailleurs de Fiat-Chrysler ont clairement manifesté qu’ils en ont assez des sacrifices. Cela ne peut être qu’un encouragement pour les travailleurs de Ford et de General Motors, qui vont avoir à se prononcer ensuite sur leur propre contrat. Il faudra bien que la colère des travailleurs finisse par éclater et faire plier ces patrons avides et arrogants.

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