L'indignation face à la barbarie et son utilisation par les gouvernants01/10/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/10/une2409.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L'indignation face à la barbarie et son utilisation par les gouvernants

L'assassinat ignoble d'Hervé Gourdel par des terroristes islamistes en Algérie, survenu après d'autres décapitations en Irak, et les multiples exactions des milices du groupe État islamique contre la population soulèvent l'horreur et l'indignation. C'est évidemment un des buts poursuivis par les « djihadistes » responsables de ces assassinats atroces. En retour, cette indignation est aussi utilisée par les gouvernements occidentaux pour justifier leur politique guerrière, en faisant oublier au passage qu'ils portent la principale responsabilité dans cette situation.

Un des résultats est aussi malheureusement que bien des travailleurs, du fait de leur origine maghrébine, arabe ou africaine, se sentent eux-mêmes stigmatisés, considérés comme liés de près ou de loin à ces actes barbares et à ceux du groupe EI en Irak. Un certain nombre d'entre eux ont donc voulu manifester pour dénoncer ces crimes barbares et le fait qu'ils puissent être commis au nom de leur propre religion, affichant par exemple « not in my name » (pas en mon nom).

On comprend bien sûr ces réactions. Mais il n'y a pas à accréditer l'idée scandaleuse que les musulmans, parce qu'ils sont musulmans, auraient à se justifier et à se démarquer spécifiquement des terroristes islamistes et de leurs actes.

Un journal comme Le Figaro a pourtant entonné le refrain. Le 25 septembre, il lançait dans ses colonnes un sondage demandant : « Assassinat d'Hervé Gourdel. Estimez-vous suffisante la condamnation des musulmans de France ? », avant de devoir le retirer de son site devant les réactions scandalisées.

Le journal Le Monde, lui, se défend de reprendre ce genre d'idées. Pourtant, après la manifestation du 25 septembre devant la grande mosquée de Paris, on pouvait y lire ce commentaire : « Depuis la décapitation d'Hervé Gourdel par le groupe algérien Jund Al-Khalifa, les musulmans de France ont apporté la réponse la plus nette à tous ceux qui voudraient faire l'amalgame entre l'islam et la violence sanguinaire des djihadistes. » Là aussi, c'est considérer que les musulmans en tant que tels étaient tenus de se justifier. Doit-on demander à tout membre d'une communauté, ou supposé telle, de se justifier chaque fois qu'un de ses membres commet un crime ?

Tout cela en fait n'est pas neutre, mais intervient dans un climat où le communautarisme est brandi de toute part, tendant de plus en plus à considérer les individus en fonction de leur appartenance réelle ou supposée à telle ou telle religion ou communauté. Les dirigeant politiques ne sont pas en reste pour exploiter ces réactions, à commencer par les gouvernements, comme le gouvernement français qui veut s'appuyer sur le sentiment que la population française se sentirait menacée, justement parce que française, et créer ainsi un réflexe d'union sacrée autour de lui.

C'est aussi la meilleure manière pour lui de faire oublier que ce qui se produit au Moyen-Orient ou en Algérie n'est nullement le résultat d'un fanatisme religieux sorti de cerveaux malades. C'est le résultat d'une politique impérialiste qui a cherché systématiquement à diviser, à dresser les peuples les uns contre les autres, une politique dont ce qui se passe en France n'est encore qu'un reflet. Et c'est d'abord contre cette politique qu'il faut se dresser.

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