11 milliards manquent, les patrons fraudent pour 20 milliards01/10/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/10/une2409.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

11 milliards manquent, les patrons fraudent pour 20 milliards

Comme chaque année, à l'occasion des discussions parlementaires sur la Sécurité sociale où le gouvernement annonce ses nouvelles mesures d'économies, le « déficit » est le mot magique qui permet de justifier tous les mauvais coups.

En 2014, ce déficit serait proche de 11,7 milliards d'euros, contre 12,5 milliards en 2013. Il diminue, mais pas assez vite aux yeux du gouvernement, de l'opposition, et de la Cour des comptes, volontiers d'accord là-dessus. L'équilibre avait été promis pour 2017, mais personne n'y croyait. Désormais, la ministre Marisol Touraine ne l'envisage pas avant 2018-2019. Pour ce faire, elle compte mettre en oeuvre « la maîtrise des dépenses », formule honteuse pour ne pas parler de restrictions dans les remboursements de soins, de blocage des retraites, de diminution des prestations familiales, de coupes dans les hôpitaux, etc.

Ces restrictions, qui vont permettre d'économiser plusieurs centaines de millions d'euros, sont d'autant plus scandaleuses que la même Cour des comptes chiffre à près de 20 milliards le montant estimé des fraudes patronales à la Sécurité sociale en 2012, soit 5 % du total des cotisations sociales, fraude qui aurait doublé depuis 2007. Sans compter les 4 à 5 milliards soustraits aux retraites complémentaires obligatoires et à l'assurance chômage

Dans le rapport de la Cour des comptes, le travail dissimulé, le « travail au noir », est évidemment pointé dans tous les secteurs, en particulier dans ceux de la construction et du commerce. Mais il est fait également mention de bien d'autres astuces qui permettent aux patrons, en particulier aux plus gros, d'échapper à l'Urssaf : la sous-traitance en cascade, avec au bout une entreprise en faillite ou qui n'existe pas vraiment, les entreprises aux faux statuts, celles qui salarient des travailleurs détachés employés de manière illégale, la fraude « transnationale » qui monte depuis le développement du marché européen, l'appel à des travailleurs détachés à l'étranger, ou de l'étranger. Il est fait également mention des patrons qui obligent certains de leurs salariés à se déclarer « travailleur indépendant » pour échapper au paiement des cotisations sociales, etc.

On connaît les coupables, ils ont les moyens de payer, mais les gouvernements n'ont jamais rien fait de sérieux pour tenter de recouvrer les sommes dues. La preuve, c'est le nombre dérisoire d'inspecteurs et contrôleurs de l'Urssaf chargés de détecter ces fraudes : ils sont en diminution constante. Le résultat comptable est en proportion : 1,5 % seulement de la fraude liée au travail dissimulé est récupéré.

Pourtant les chiffres sont éloquents : si un gouvernement voulait vraiment s'en donner les moyens, le recouvrement de ces sommes permettrait de combler deux fois le déficit annuel et cela serait bien plus rentable que l'ensemble des mesures prises contre les salariés, les retraités et les mères de famille.

Mais épargner les plus riches pour s'attaquer aux plus faibles, ce n'est pas seulement une facilité. C'est un choix.

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