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Dans le monde
« Démocratie », vous dites ça dans quelle langue ?
Une des premières mesures prises par le nouveau pouvoir à Kiev a été d'abroger la loi de juillet 2012 qui octroyait le statut de langue régionale au russe dans la moitié du pays et au roumain dans la province de Tchernovtsy (Cernauti).
Cette loi, faisant du russe ou du roumain des langues officielles à côté de l'ukrainien, supposait que dans chaque région 10 % au moins de la population se déclarent d'une autre langue que l'ukrainien, proclamé langue d'État. Or, depuis la disparition de l'URSS et quelle que soit la couleur du pouvoir en place, Kiev n'a cessé d'encenser tout ce qui pourrait fonder une identité nationale, en opposition au passé soviétique. Cette pression des autorités a bien sûr incité bien des gens à se déclarer de langue ukrainienne, alors qu'ils utilisent le russe, le roumain, le polonais ou le hongrois dans la vie courante.
Établies dans de telles conditions, les cartes officielles des langues pratiquées en Ukraine travestissent la réalité. En tout cas, elles en donnent une image plus déformée que celle que renvoient les écrans locaux de télévision. La règle veut qu'on y emploie la langue d'État, alors les reportages doivent souvent être sous-titrés, car nombre d'intervenants s'expriment en russe. Quant aux politiciens, même ceux qui sont aujourd'hui aux affaires, ils ne maîtrisent pas toujours la langue du nationalisme ukrainien qu'ils professent.
L'abrogation de cette loi met à mal un droit élémentaire : celui d'utiliser sa propre langue dans toutes les circonstances privées ou publiques. Elle va rendre la vie plus difficile à des millions d'Ukrainiens, qui devront accomplir des démarches administratives ou voir leurs enfants éduqués dans une autre langue que celle qu'ils parlent entre eux, à la maison ou dans la rue.
Ianoukovitch avait promulgué la loi de 2012 pour complaire à l'Union européenne qui, pour conclure le traité d'association qu'elle lui proposait, exigeait qu'il se conforme à la charte européenne des langues régionales. Le 17 mars, Bruxelles doit signer le volet politique de ce traité avec des dirigeants ukrainiens qui s'essuient les pieds sur ladite charte. Mais cela n'empêche pas Paris ou Berlin de les présenter comme des démocrates proeuropéens.