Vers un traité de libre-échange américano-européen : Face à la toute-puissance des trusts, contrôle ouvrier !12/03/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/03/une2380.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Vers un traité de libre-échange américano-européen : Face à la toute-puissance des trusts, contrôle ouvrier !

Depuis juillet 2013, des discussions très discrètes sont en cours sur un accord de partenariat transatlantique (APT) qui devrait aboutir d'ici deux ans. Il s'agit d'un accord entre les États-Unis et l'Union européenne. Il permettrait aux investisseurs étrangers d'avoir les mêmes avantages que les investisseurs nationaux, sans discrimination aucune dans l'aide apportée par les États.

Ainsi, l'accord permettrait aux multinationales d'attaquer tout État qui s'opposerait à leurs projets, notamment en recourant à des tribunaux d'arbitrage privés spécialement créés pour l'occasion et sous la coupe des grands trusts. Il offrirait aux 3 300 entreprises européennes présentes sur le sol américain au travers de 24.000 filiales, et aux 14 400 entreprises américaines présentes en Europe au travers de 58.000 filiales, des moyens supplémentaires pour faire de très bonnes affaires. Le géant américain Monsanto voudrait, par exemple, que ses produits contenant des OGM ne soient pas refusés en Europe. Le groupe propriétaire de la chaîne de restauration rapide KFC, Kentucky Fried Chicken, voudrait quant à lui obtenir la suppression de la règle européenne qui interdit les poulets désinfectés au chlore.

Ces multinationales n'ont pas non plus attendu un quelconque accord pour agir, que ce soit dans l'Union européenne ou ailleurs. Le géant de la cigarette Philip Morris a assigné l'Uruguay et l'Australie devant un tribunal spécial pour leur législation anti-tabac. Le groupe pharmaceutique Eli Lilly s'en prend au Canada, qui a mis en place un système de brevets rendant certains médicaments plus abordables. L'Equateur s'est vu condamné il y a un an à verser une somme de deux milliards d'euros à une compagnie pétrolière. Et ce ne sont là que quelques exemples.

Dans le secteur de la finance, les grandes banques entendent faire abolir même les maigres régulations adoptées au lendemain de la crise de 2008, et obtenir la levée de tous les garde-fous en matière de placements à risques. Ainsi, la Deutsche Bank, qui a pourtant reçu en 2009 des centaines de milliards de dollars de la Réserve fédérale américaine en échange de titres adossés à des créances hypothécaires, s'oppose à la réforme de Wall Street, car ce serait un « poids trop lourd ». Ce point de vue est partagé par les grandes banques françaises.

On peut être choqué, mais pas surpris, par ce que les discussions sur cet accord révèlent : l'économie mondiale est aux mains de grandes entreprises capitalistes, qui n'ont de cesse de la soumettre complètement à leurs intérêts et d'abattre tous les garde-fous juridiques qu'elles rencontrent. La négociation de l'APT donne lieu à de sourdes batailles entre trusts européens et trusts américains. Chacun voudrait évidemment conserver le plus de protectionnisme possible sur son propre marché, mais obtenir le plus de liberté possible sur les autres.

Il reste à savoir comment s'opposer à cette mainmise des trusts. En France et en Europe, de nombreux dirigeants politiques laissent entendre ou affirment que les travailleurs seraient protégés par des mesures protectionnistes. Cela va de l'extrême droite de Marine Le Pen à la gauche de gouvernement avec Montebourg et sa défense du made in France, jusqu'à Jean-Luc Mélenchon qui défend un « protectionnisme européen ».

Cela revient cependant à demander aux travailleurs d'épouser la cause des multinationales européennes contre celle des multinationales américaines. Mais qu'est-ce qui garantit qu'elles valent mieux du point de vue du respect des consommateurs, des conditions faites à leurs travailleurs, du respect de l'environnement ou de la préservation des emplois ?

Les travailleurs n'ont pas à prendre parti dans les querelles entre trusts de part et d'autre de l'Atlantique, entre des Européens supposés bons et des Américains considérés comme mauvais. Rien ne peut remplacer le contrôle des travailleurs et de la population sur ce qui est produit, sur ce qu'on leur fait consommer, et au fond sur tout le fonctionnement de l'économie. Le problème se pose de la même façon en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs.

L'économie est mondialisée, elle est un terrain de chasse pour des groupes capitalistes qui voudraient avoir toute la liberté du renard dans le poulailler. Le problème n'est pas la nationalité du renard, il est de mettre fin à la toute-puissance des multinationales. Tous ceux qui se posent le problème de la transformation de cette société doivent avancer une première exigence : celle du contrôle des travailleurs et de toute la population sur les trusts capitalistes, sur ce qu'ils produisent et les conditions dans lesquelles ils produisent, sur ce qu'ils gagnent et ce qu'ils en font. Et il faudra aller au-delà, jusqu'à l'expropriation de ces trusts par la classe ouvrière, afin qu'elle puisse elle-même organiser et planifier la production à l'échelle du monde.

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