Ukraine : Bras-de-fer et poker menteur18/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2368.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : Bras-de-fer et poker menteur

Le 17 décembre, le président ukrainien Ianoukovitch allait discuter à Moscou de ce que la Russie propose commercialement, industriellement et financièrement à une Ukraine au bord de la faillite. Autant agiter un chiffon rouge sous le nez de l'opposition, qui a trouvé là une nouvelle occasion de mobiliser ses troupes en accusant Ianoukovich de « vendre l'Ukraine » à la Russie, alors que l'Union européenne lui tendrait les bras...

UNE EUROPE QUI FERME LA PORTE

Même si les dirigeants ouest-européens et américains ainsi que les leaders de l'opposition ukrainienne invoquent la main et les pressions de Moscou dans le rejet par le gouvernement ukrainien de l'accord d'association que lui proposait l'Union européenne, Ianoukovitch dit et répète l'avoir fait pour des raisons « exclusivement économiques ». Et le fait est que, l'Ukraine se trouvant au bord de la faillite, l'Union européenne ne lui proposait que 600 millions d'euros de crédits, alors que Kiev estime à 10 milliards ses besoins annuels. De plus, Bruxelles y mettait des conditions dévastatrices pour l'économie et la population de ce pays qui, à lire le site du Figaro, auraient eu à « subir la même purge qu'en leur temps la RDA, la Pologne ou la République tchèque » après la chute du mur de Berlin.

Voilà pour les opposants ukrainiens qui veulent croire - ou faire croire - que, sous les auspices de l'Europe, un avenir radieux s'ouvrirait à la population ukrainienne. La réalité est tout autre. Cité par le site Internet du Parisien, un spécialiste français des relations internationales déclare : « Soyons réalistes, personne dans l'Union ne veut de l'Ukraine comme pays membre. » Et de rappeler qu'association ne signifie pas adhésion à l'Europe. À preuve, la Turquie : elle a signé un tel accord en 1963 et attend depuis un demi-siècle à la porte de cette Europe-là !

JEU DE BASCULE

Quand Ianoukovitch répète qu'il n'a que suspendu l'accord avec Bruxelles et qu'il en reste partisan, il se ménage une marge de manoeuvre dans des négociations avec les dirigeants russes. Car, en échange de son aide, le Kremlin cherche à attirer l'Ukraine dans son union douanière avec la Biélorussie, le Kazakhstan et bientôt l'Arménie. Moscou compte aussi profiter de l'occasion pour pousser les pions des entreprises russes dans une économie ukrainienne où elles sont déjà très présentes.

Face à une Europe qui ne lui propose rien que de se laisser dévorer tout cru, face à une Russie qui ne cache pas ses appétits, et devant une opposition qui enrage de voir ses illusions européennes déçues, Ianoukovitch louvoie comme il peut. Et il ne peut pas grand-chose.

Sur un plan international, Kiev ne peut plus, comme dans un passé récent, jouer sur le robinet des réseaux approvisionnant l'Europe en gaz russe : de nouveaux gazoducs ont été construits qui contournent l'Ukraine. Cela prive Kiev d'un moyen de chantage diplomatique, et d'un intérêt économique majeur pour les grandes puissances occidentales et leurs trusts de l'énergie.

UNE CRISE MULTIFORME, ET QUI ENFLE

Du côté de la rue kievienne, Ianoukovitch n'est pas en meilleure posture. Après avoir échoué à faire reprendre le Maïdan par sa police anti-émeute, il a ouvert des discussions avec l'opposition. Sans succès. Puis, il a limogé le maire de la capitale, à qui il fait porter le chapeau des exactions policières contre les manifestants. Maintenant, le parti des Régions, celui de Ianoukovitch, réclame un remaniement gouvernemental « à 90 % ».

Sacrifier le Premier ministre et d'autres ministres suffira-t-il à juguler une crise politique devenue explosive ? Peu probable, car elle a pour fond une récession économique dramatique et un ras-le-bol général à l'égard des gouvernants - même si les classes laborieuses ne se reconnaissent pas toutes, loin de là, dans les petits bourgeois et les nationalistes qui continuent d'occuper le centre de Kiev.

En tout cas, devant le risque d'une situation qui deviendrait incontrôlable, la plupart des dirigeants américains et ouest-européens ont changé de ton. Eux qui, pendant des semaines, ont bruyamment encouragé l'opposition à pousser dans le sens d'une rupture avec la Russie, semblent maintenant chercher un compromis qui satisfasse les grandes puissances occidentales comme Moscou, voire qui soit présentable pour Ianoukovitch comme pour son opposition. Quant à la population, que toutes ces parties invoquent à l'envi, elles ne lui donnent pas voix au chapitre. Comme d'habitude.

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