Espagne - Onze ans après le naufrage du Prestige : Une caricature de procès18/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2368.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne - Onze ans après le naufrage du Prestige : Une caricature de procès

Le 19 novembre 2002, le pétrolier le Prestige sombrait, déversant 63 000 tonnes de fuel et souillant 2 900 km de côtes espagnoles, portugaises et françaises.

Comme le naufrage de l'Erika en 2000, les ingrédients étaient pourtant réunis pour qu'on puisse prévoir une catastrophe. Ce bateau construit en 1976 avait été immobilisé trois mois plus tôt parce qu'on avait relevé huit déficiences. Il avait malgré tout repris la mer. Rien de très surprenant puisque les compagnies pétrolières s'ingénient à casser le coût du transport en affrétant des bateaux sous pavillon de complaisance. Ainsi le Prestige battait pavillon bahaméen, son propriétaire était libérien, son affréteur une compagnie suisse, Crown Resources, qui s'est dissoute avant l'ouverture de l'enquête, afin de protéger son commanditaire russe. Ce bateau-poubelle pouvait ainsi naviguer en toute irresponsabilité en s'abritant derrière de multiples sociétés écran.

Cela a finalement réussi puisqu'aucun des coupables réels n'a été traduit en justice, ni le propriétaire, ni l'affréteur, ni même la société américaine de classification ABS qui avait autorisé le pétrolier à naviguer et contre laquelle le gouvernement espagnol a porté plainte, sans succès.

Seuls les lampistes ont eu droit à un procès en Espagne. On trouvait donc sur le banc des accusés le commandant grec du bateau, le chef des machines et l'ancien responsable de la marine marchande espagnole. Finalement, seul le commandant a été condamné, à neuf mois de prison avec sursis, parce qu'il avait refusé pendant trois heures d'être remorqué, certainement sur l'ordre de son armateur qui, sinon, aurait dû reverser un fort pourcentage de la cargaison de son navire.

L'ancien responsable de la marine marchande espagnole était traduit en justice parce qu'il avait ordonné au bateau, qui avait lancé un SOS six jours auparavant, de s'éloigner des côtes préférant le voir sombrer loin de l'Espagne. Comme l'a déclaré le commandant : « C'était la pire option. Ils nous transformaient en un cercueil flottant et ils nous envoyaient à la noyade. » Cependant le responsable de cette décision n'a pas été condamné, ce qui montre le peu de cas qui est fait des équipages de ces navires.

Pour les associations écologiques, les habitants des villages souillés, l'acquittement des principaux prévenus apparaît comme un déni de justice et un véritable permis de polluer !

Aline URBAIN

Aux pays des aveugles....

Le gouvernement espagnol n'avait pas besoin de la publicité du procès du Prestige : la presse s'est chargée de rappeler que l'actuel chef du gouvernement Mariano Rajoy, numéro deux du gouvernement, à l'époque du naufrage, n'avait eu de cesse de minimiser la catastrophe. Il avait déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une marée noire mais « de filaments comme de la pâte à modeler ». Les bénévoles qui se sont « amusés » à nettoyer les plages ont dû apprécier cette sortie.

Il est vrai qu'elle vaut bien celle de Dominique Voynet, alors ministre, qui avait déclaré devant l'Erika qu'il « ne s'agissait pas de la catastrophe écologique du siècle ».

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