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Dans les entreprises
Alcatel-Lucent : Non aux licenciements !
Gouvernement complice
Les annonces de la direction d'Alcatel ont amené le gouvernement à quelques commentaires bien significatifs de sa politique. Ainsi, Montebourg a demandé à la direction du groupe de « réduire » son plan, mais pas de l'annuler. Il a insisté sur « son côté excessif, par le tribut qu'il fait payer à la France dans la restructuration mondiale du groupe ». Autrement dit, Montebourg souhaite qu'il y ait moins de licenciements en France et davantage à l'étranger. En mettant en avant cette sorte de préférence nationale, Montebourg et les siens déroulent un tapis rouge aux idées réactionnaires, qui ont pour fonction d'ignorer les responsabilités patronales et d'opposer les travailleurs les uns aux autres.
Quant à Ayrault, il a semblé menacer la direction d'Alcatel en déclarant que, sans accord majoritaire, le gouvernement ne validerait pas le plan. Il faisait référence aux nouvelles dispositions de la loi de « sécurisation de l'emploi », selon lesquelles un plan de licenciements doit, soit faire l'objet d'un accord entre une direction et les organisations syndicales majoritaires, soit être validé par l'Inspection du travail. Mais Ayrault ignore visiblement le contenu de sa propre loi, ou alors il ment délibérément, car la seule chose que l'Inspection du travail aurait à valider c'est le respect des formes légales du plan, et pas son bien-fondé.
Et c'est là que le bât blesse, puisque personne ne semble vouloir mettre en doute les affirmations de la direction Alcatel sur la situation financière du groupe, ni le gouvernement ni même certaines organisations syndicales. Le gouvernement serait même prêt à aider financièrement Alcatel, à en croire le président du Comité stratégique de la filière numérique, qui a déclaré : « S'il faut changer la fiscalité pour sauver les télécoms en France, on le fera. »
Les syndicats dans la logique patronale
Tout en dénonçant les conséquences sociales du plan, les syndicats prennent pour argent comptant les arguments de la direction. C'est le cas en particulier de la CFDT, majoritaire dans l'entreprise, qui affirme être « consciente de la gravité de la situation financière du groupe et la déplore ». Quant à la CFE-CGC, elle « comprend la logique économique du groupe visant à se recentrer sur ses produits et ses activités les plus rentables, dans un contexte de grandes difficultés ». Même la CGT, qui a tenu à s'associer à une déclaration commune, dit ne pas vouloir nier « les difficultés du groupe ».
Avec de tels opposants et de tels arguments, la direction a peu de choses à craindre, d'autant que cette complaisance envers les prétendues difficultés patronales s'accompagne d'un positionnement nationaliste, similaire à celui d'un Montebourg, qui désigne les travailleurs d'autres pays comme étant des concurrents et non pas des alliés contre la direction qui licencie.
Concernant les difficultés financières, les salariés ont toutes les raisons de ne pas croire sur parole la direction d'une multinationale dont le chiffre d'affaires annuel atteint les 14,5 milliards, qui comptent parmi ses actionnaires un des trois premiers fonds de pension au monde, la Caisse des dépôts et plusieurs banques et dont la valeur de l'action a plus que doublé ces derniers mois. Comme dans toutes les grandes entreprises, la gestion financière d'Alcatel est opaque ; une opacité qui permet bien des manipulations, dont sont toujours victimes les salariés.
Et c'est toujours le même positionnement, à la traîne de la direction, qu'adopte la CFDT quand elle aborde la question de la concurrence. Ce syndicat n'hésite pas à écrire : « C'est précisément maintenant qu'un industriel des télécommunications doit se renforcer en Europe, faute de quoi les concurrents américains ou chinois prendront les places laissées vides. » C'est mot pour mot ce que dit le PDG d'Alcatel, ce que dit le gouvernement et ce que disent tous ceux qui justifient les suppressions de postes. Et c'est précisément ce que ne doivent pas dire les travailleurs, qui ont plutôt à rechercher une unité avec leurs collègues d'autres pays, y compris aux États-Unis, y compris en Chine, où est implanté Alcatel.
De tels dirigeants syndicaux ne font rien pour renforcer la conscience des travailleurs et leur moral, et les préparer aux luttes d'envergure sans lesquelles rien ne pourra changer. Ils se préparent, comme lors des plans précédents, à des discussions stériles avec les ministres, les sous-ministres, les sous-chefs de cabinet, afin que soit redressée la « filière télécom », des bavardages où les intérêts des travailleurs ne seront même pas mentionnés. Mais il n'est pas dit que le plan de la direction, le sixième depuis 2006, ne soit pas celui de trop, celui qui fera s'exprimer une colère trop longtemps contenue.