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- Lutte ouvrière n°2259
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Italie : Après Berlusconi, Mario Monti L'homme du grand capital succède au grand capitaliste
Ce que plusieurs années de scandales, d'arrogance et de mépris étalés par le chef du gouvernement italien n'avaient pas réussi à faire, quelques jours d'emballement de la spéculation l'ont fait. Samedi 12 novembre, après avoir fait voter au Parlement la loi de stabilité demandée par l'Union européenne, Silvio Berlusconi a remis au président de la République sa démission de président du Conseil des ministres. Il n'y a certes pas à regretter le bouffon qui dirigeait l'Italie depuis les élections de 2008, et qui l'avait déjà fait en 1994, puis de 2001 à 2006. Malheureusement, Berlusconi ne cède pas la place chassé par la colère des couches populaires, mais bien sous la pression de la bourgeoisie, du grand capital italien et européen qui, depuis longtemps, voulaient changer de représentant.
Depuis des mois, les critiques du patronat italien et en particulier de la Confindustria, la confédération patronale, s'étaient faites plus vives contre Berlusconi, accusant son gouvernement d'immobilisme, le rendant responsable de la stagnation de l'économie italienne, l'accusant de ne pas faire les « réformes » nécessaires pour favoriser la croissance. On ne pouvait pourtant pas accuser Berlusconi de ne pas avoir mené un grand nombre d'attaques antiouvrières. Mais le patronat demandait qu'il fasse encore plus, et plus vite, pour le subventionner, alléger la réglementation du travail, diminuer les charges sociales, faciliter les licenciements.
Cependant on a aussi assisté à une convergence générale des critiques, facilitée évidemment par le personnage particulièrement odieux de Berlusconi, chacun l'accusant d'être responsable de la situation de crise. Mais, de la part de l'opposition de gauche et même des syndicats, le mot d'ordre facile « chassez Berlusconi » a servi à cacher l'absence totale de politique, et en particulier de réponse aux problèmes des travailleurs et de la population laborieuse. Pire, il a servi dernièrement à masquer leur ralliement aux demandes du patronat, au nom de l'objectif de « sauver l'économie du pays » et « la compétitivité de l'Italie ». Au nom de quoi, au mois de juin on a vu tous les syndicats et notamment la CGIL, la CGT italienne, signer avec le patronat un accord en bonne et due forme ouvrant la voie aux licenciements faciles.
Lorsque la vague de la spéculation internationale a pris pour cible l'importante dette souveraine italienne, les conditions étaient en tout cas réunies pour tenter d'y répondre en faisant sauter le fusible Berlusconi. Une partie des députés de sa majorité l'ont abandonné, accentuant encore la spéculation sur sa chute. Les dirigeants allemand et français, Merkel et Sarkozy, paniqués à l'idée d'une contagion de la spéculation sur la dette italienne qui toucherait peu à peu toute l'Europe, ont surenchéri pour demander à Berlusconi encore plus d'austérité et plus vite. Et c'est alors dans l'urgence que le président de la République italienne Giorgio Napolitano, membre du Parti démocrate et ex-communiste, a agi pour lui trouver un successeur en la personne de Mario Monti.
Recteur de l'université Bocconi de Milan, qui forme les futurs dirigeants des entreprises italiennes, ancien membre de la Commission européenne mais aussi ancien membre dirigeant de la banque américaine Goldman Sachs, qui porte une grande part de responsabilité dans la crise financière, Mario Monti est apparemment l'homme de la situation. Il est supposé apte à rétablir la confiance des capitalistes internationaux dans la capacité de l'État italien à faire leur politique et à payer sa dette. Mais quant à faire cesser la spéculation, rien n'est moins sûr, car les mécanismes de celle-ci sont tout sauf rationnels. Quelques jours après l'annonce d'un gouvernement Mario Monti, elle semblait continuer de plus belle.
Aura-t-on changé de gouvernement pour rien ? Certainement pas, du point de vue des capitalistes, car Mario Monti n'a pas perdu de temps et a déjà laissé entrevoir dans des délais brefs un nouveau plan d'austérité, pour un montant de 25 milliards d'euros, qui viendra s'ajouter aux deux plans d'austérité d'un total de plus de cent milliards d'euros adoptés cet été. Ce sera encore autant d'argent soustrait aux couches les plus pauvres, prélevé sur les services publics, tout au plus accompagné de l'alibi d'un prélèvement ridicule sur les plus riches. Tout cela devra servir à satisfaire les banquiers, dans une ambiance d'union nationale permise par la dramatisation de la crise et permettant de dénoncer toute contestation des mesures antiouvrières comme une trahison des intérêts du pays.
C'est bien ce piège que cachait depuis des mois le « tous contre Berlusconi » brandi par le Parti démocrate en guise de programme, au point qu'on se demande ce qu'il pourra dire maintenant et comment il pourra cacher aux travailleurs que sa politique n'était rien d'autre qu'un appui direct aux désirs des patrons et des banquiers, incarnés désormais ouvertement par Mario Monti, que le Parti démocrate va soutenir. Face à tous ces charlatans et ces menteurs, il est urgent que la classe ouvrière d'Italie mette en avant ses propres exigences et ait sa propre politique.