Irlande du Nord : Retour sur la sale guerre de l'impérialisme britannique23/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une-2186.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Dans le monde

Irlande du Nord : Retour sur la sale guerre de l'impérialisme britannique

Trente-huit ans après le Dimanche sanglant du 30 janvier 1972, la publication du rapport Saville a établi la responsabilité de l'armée britannique dans la mort de treize manifestants dans la ville de Derry, en Irlande du Nord.

Le Premier ministre, David Cameron, a présenté ses excuses aux familles des victimes. Mais combien d'autres crimes commis par l'armée britannique et les forces paramilitaires contre les nationalistes, mais surtout contre la population catholique de l'Ulster, continuent-ils à être couverts par la loi du silence ?

En 1921, après des siècles d'oppression coloniale et des décennies de lutte, la Grande-Bretagne fut contrainte d'accorder son indépendance à l'Irlande, ou plus exactement au sud de l'île puisque les six comtés du nord, qui forment l'Ulster, restaient au sein du Royaume-Uni. Pour continuer à y assurer sa domination, l'impérialisme britannique s'appuya sur la majorité protestante, dans le but de contrer l'influence des nationalistes au sein de la minorité catholique.

Les catholiques d'Irlande du Nord étaient considérés comme des citoyens de seconde zone, victimes de discriminations dans tous les domaines : droits civiques, travail, logement, etc. La population catholique vivait majoritairement dans des taudis, connaissant un taux de chômage allant de 20 à 40 %, les patrons protestants embauchant peu de travailleurs catholiques et leur réservant les emplois non qualifiés. Le suffrage censitaire rejetait de fait les catholiques hors de la vie politique : pour voter, il fallait être propriétaire ou payer un loyer en titre, ce qui excluait toutes les familles ouvrières en situation précaire, tandis qu'un patron disposait, lui, de plusieurs votes.

Les années soixante virent la renaissance du mouvement nationaliste, en même temps que les milices officielles loyalistes s'en prenaient aux catholiques. En 1968 et 1969 se succédèrent des manifestations pour l'égalité des droits, égalité dans les urnes, mais aussi dans le travail et l'attribution de logements. La plupart furent violemment réprimées par la RUC, la police composée à 95 % de protestants, qui pratiquait en outre des expéditions punitives dans les ghettos catholiques, usant des mêmes méthodes que les milices loyalistes qui multipliaient les assassinats, mettaient à sac et incendiaient les quartiers catholiques. Après les émeutes d'août 1969, surtout à Belfast et Derry où la population des ghettos catholiques tint tête à la police pendant plusieurs jours, le gouvernement travailliste de Londres céda sur le suffrage censitaire et promit d'accorder l'égalité des droits civiques. Mais il envoya aussi des troupes britanniques. Dans un premier temps, elles furent accueillies favorablement par les catholiques, qui espéraient qu'elles les protégeraient des pogroms menés par les loyalistes. Ils n'allaient pas tarder à déchanter.

Les troupes britanniques se conduisirent en Irlande du Nord en armée colonialiste, comme elles l'avaient fait durant des siècles dans toute l'île, soutenant les forces paramilitaires loyalistes et adoptant leurs méthodes. En août 1971, le gouvernement britannique décida d'interner sans procès les « suspects » d'association avec le terrorisme, formulation très extensible qui valut l'internement à bien des gens dont le seul tort était d'avoir « l'air irlandais », et l'armée quadrilla les ghettos catholiques. L'IRA répondit par des actions de guérilla tandis que les manifestations de masse se succédèrent, toujours plus nombreuses. Le 30 janvier 1972, resté dans les mémoires sous le nom « Bloody Sunday » ou Dimanche sanglant, les paras tirèrent sur les manifestants désarmés de Derry, tuant treize d'entre eux.

Les exactions de l'armée contre la minorité catholique se poursuivirent encore plusieurs années, multipliant les provocations, les arrestations arbitraires, les assassinats, sans que les principaux responsables, couverts par l'État britannique, soient autrement inquiétés. Avec la publication du rapport Saville, un coin du voile est levé, mais seulement un coin.

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