Italie - Course à la productivité, attaque aux droits élémentaires : Les travailleurs de Fiat face au chantage du patron23/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une-2186.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Dans le monde

Italie - Course à la productivité, attaque aux droits élémentaires : Les travailleurs de Fiat face au chantage du patron

36 % de « non » à l'accord, moins de 60 % de « oui » par rapport aux inscrits, tel est le résultat annoncé pour le référendum organisé le 22 juin parmi les 5 000 travailleurs de l'usine Fiat de Pomigliano d'Arco, dans la banlieue de Naples, pour leur faire ratifier un accord qui tient du chantage pur et simple.

Vu toutes les pressions auxquelles ont été soumis les travailleurs, sans parler des truquages probables d'un vote pour lequel on annonce 95 % de participation, ce 60 % de « oui » n'est pas très satisfaisant pour la direction de Fiat et pour sa volonté de soumettre les ouvriers du groupe à ses diktats.

En effet, alors même qu'il annonçait la fermeture irrémédiable de l'usine Fiat de Termini Imerese, en Sicile, le PDG de Fiat-Auto Sergio Marchionne a annoncé qu'en revanche, il acceptait de maintenir une production à l'usine de Naples, au chômage depuis un an et demi.

Il s'agissait dans le projet de Marchionne de rapatrier la production des Panda actuellement effectuée à l'usine de Tychy en Pologne. Mais attention, cette relocalisation faite aux dépens des travailleurs polonais et présentée comme un effort de la part de l'entreprise pour sauvegarder l'emploi dans son pays d'origine, l'Italie, ne devait pas se faire à n'importe quelle condition. En fait d'efforts, c'est aux travailleurs qu'il mettait le couteau sous la gorge en subordonnant le rapatriement de la production des Panda, accompagnée de 700 millions d'euros d'investissements, à des conditions draconiennes.

Premier point de l'accord proposé, il s'agit d'imposer l'utilisation des installations 24 heures sur 24 pendant six jours grâce à une rotation basée sur l'alternance de 18 équipes, le jour de repos pouvant courir sur toute la semaine. Les activités d'entretien, elles, devraient suivre le même rythme, mais sur sept jours sur la base d'une rotation en 21 équipes. Pour éviter l'arrêt des installations, la pause repas d'une demi-heure serait reportée à la fin de chaque équipe, les autres pauses seraient réduites et des heures supplémentaires imposées, dont 80 heures annuelles même pas conditionnées à un accord syndical. En cas d'arrêts de la production, celle-ci pourrait être récupérée dans les six mois suivants sur les temps de pause ou les jours de repos.

La Fiat, qui veut décidément s'affranchir d'un certain nombre d'obligations patronales, ajoute à tout cela le non-paiement des indemnités de maladie en cas d'absentéisme trop élevé. Enfin et surtout, elle voudrait inclure dans l'accord une quasi-suppression du droit de grève : en effet le texte prévoit des sanctions allant jusqu'au licenciement pour le travailleur qui, par la grève, remettrait en cause une de ces dispositions. Les organisations syndicales qui prendraient de telles initiatives seraient également sanctionnées.

Tel est donc l'accord qui, sous prétexte de favoriser l'emploi dans le sud -au moment même où Fiat confirme la fermeture de l'usine de Sicile !- a été soutenu par l'ensemble des forces politiques, mais aussi par les confédérations syndicales. Même la CGIL, principal syndicat italien, par la voix de son secrétaire Epifani, s'y est déclarée favorable moyennant quelques modifications mineures. Heureusement, la FIOM, Fédération de la métallurgie CGIL, s'est dite opposée à l'accord, déclarant illégitime le référendum du 22 juin. Il en est de même du petit syndicat indépendant Slai-Cobas. Cela leur a valu l'accusation d'être « obsédés par la recherche du conflit », de la part d'un ministre, et de « vouloir protéger les absentéistes et les malades » de la part de la dirigeante de la confédération patronale, Émma Marcegaglia. Des commentaires ont décrit les ouvriers de Pomigliano comme des fainéants, faisant grève pour regarder les matchs de football, voire complétant leurs revenus par le trafic de drogue. Enfin, sur une initiative se disant bien sûr indépendante mais émanant du maire de la ville, de cadres et de quelques employés, on a vu quelques centaines d'ouvriers de Pomigliano défiler pour demander le droit au travail, menacé par... la FIOM !

Ce diktat patronal appuyé par l'ensemble des forces politiques et la quasi-totalité des bureaucraties syndicales, est naturellement présenté comme le fin du fin du modernisme. Marchionne a ainsi déclaré qu'il vit « dans l'époque d'après Jésus-Christ ». Il faut comprendre que celle où les travailleurs faisaient grève contre les patrons, pour lui, est finie : l'époque moderne est celle où les patrons mènent librement la lutte contre les droits ouvriers, et l'accord qu'il voudrait imposer à Pomigliano annonce ce qu'il voudrait instaurer dans les autres usines Fiat et, au-delà, ce que gouvernement et patrons voudraient faire passer dans toute l'Italie.

Ce n'est pas pour autant gagné pour Marchionne et ses semblables, comme le montre le résultat de Pomigliano. Et puis, à l'usine Fiat de Turin par exemple, un débrayage de protestation contre l'accord a été suivi à 80 %, preuve que les travailleurs voient bien que la menace est dirigée contre tous.

Que les travailleurs se défendent, pour un Marchionne, ce serait cela l'archaïsme. Eh bien il se trompe : c'est le seul avenir possible.

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