Jeux d'argent et de pouvoir autour du Monde23/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une-2186.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Leur société

Jeux d'argent et de pouvoir autour du Monde

Sarkozy a convoqué le directeur du journal Le Monde, pour tenter d'écarter un groupe de repreneurs qui lui seraient hostiles et pourraient nuire à sa réélection en 2012. Il aurait même exercé un chantage à l'attribution d'aides publiques, vitales pour l'imprimerie du journal. Cette intervention a suscité en particulier la protestation de la Société des rédacteurs du Monde, qui possède un poids notable dans le conseil d'administration.

La presse d'information est rarement une affaire très rentable et ce n'est pas la première fois que Le Monde est en quête de capitaux. Il aurait besoin cette fois d'une centaine de millions. L'individu ou le groupe qui les lui apportera deviendra le véritable propriétaire du journal, à même d'influer sur sa ligne politique.

Pour mieux préserver leur indépendance, la solution qu'auraient préférée certains journalistes aurait été la reprise du titre par un groupe étranger, donc peu impliqué dans la politique intérieure française. Mais tous les candidats étrangers ont fini par renoncer. Restaient deux offres françaises : celle du patron du Nouvel Observateur, Claude Perdriel, qui cherchait encore un associé, et celle du trio Pigasse-Bergé-Niel, qui semblait la plus complète et la plus solide financièrement.

Dans ce trio, l'homme d'affaires Pierre Bergé est en effet allié à Mathieu Pigasse, de la banque Lazard, et à Xavier Niel qui, ayant fait fortune dans le Minitel rose, est maintenant patron du groupe de télécommunication Iliad propriétaire de Free. Tous ces financiers n'ont qu'un défaut, aux yeux de la droite et du gouvernement : Bergé et Pigasse sont liés au Parti Socialiste, et Niel est hostile à Sarkozy.

Ce dernier semble ne pas s'être contenté de faire pression sur le directeur du journal. Peut-être téléguidé par lui, jeudi 10 juin un nouvel investisseur s'est annoncé, et il s'agit de Stéphane Richard, patron d'Orange, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde et proche de Sarkozy. Perdriel et lui formeraient un tandem financièrement solide et surtout politiquement proche de la droite. Ce projet commun se présente donc en concurrence devant le Conseil d'administration du Monde avec celui du trio Bergé-Pigasse-Niel.

Dans cette affaire, les administrateurs censés défendre l'indépendance rédactionnelle du quotidien - ceux qui sont désignés par les journalistes, le personnel, les lecteurs du Monde et des publications qui lui sont associées - n'auront de toute façon le choix qu'entre des financiers liés à la droite et des financiers liés à la gauche. Ce n'est pas tout à fait la même chose, quand il s'agit d'une élection ou de certaines questions de société. En revanche, pour tout ce qui touche aux intérêts des travailleurs et à leur défense, tous ces gens-là sont du même côté, du mauvais.

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