Grande-Bretagne - Le « budget d'urgence » de Cameron : L'austérité travailliste appliquée par les Conservateurs23/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une-2186.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Dans le monde

Grande-Bretagne - Le « budget d'urgence » de Cameron : L'austérité travailliste appliquée par les Conservateurs

Annoncé de longue date pour le 22 juin, le « budget d'urgence » du gouvernement de coalition de David Cameron avait été préparé par une longue campagne de presse. Il fallait, disait Cameron, des mesures « radicales » pour combler le gouffre de la dette et protéger la livre des « marchés » (mais pas des spéculateurs, Cameron n'accuserait pas ses propres commanditaires !). Tout le monde s'attendait donc à des mesures brutales.

Disons quand même que ce budget n'est pas brutal pour tout le monde. Alors qu'il n'en finit pas de pleurer sur le poids de la dette, Cameron trouve le moyen de faire quand même des cadeaux... aux capitalistes : réduction progressive de 28 à 24 % de l'impôt sur les bénéfices ; annulation de la hausse de 1 % de la part patronale des cotisations sociales ; maintien des niches fiscales créées par les Travaillistes, permettant aux riches de payer moins d'impôt que les salariés en faisant passer leur revenu pour des revenus du capital ; et pour couronner le tout de nouveaux dégrèvements fiscaux pour les entreprises. À croire que les cadeaux à la bourgeoisie ne creusent pas le déficit, contrairement aux dépenses sociales destinées à la population laborieuse !

Néanmoins Cameron, qui se targue volontiers de « justice sociale » a tenu à mettre en valeur sa « taxe sur les banques » qui frappera leurs actifs. Or, elle ne rapportera que 2,4 milliards d'euros par an : une misère par rapport aux profits des banques, et plus encore par rapport aux centaines de milliards du sauvetage de la finance. En tout cas, ce n'est pas grand-chose par rapport aux 8,4 milliards d'euros que la baisse de l'impôt sur les bénéfices rapportera à elle seule au patronat.

S'agissant de la population laborieuse, le seul « cadeau » de Cameron est un mensonge : 880 000 contribuables seront exemptés d'impôt, grâce à un relèvement du seuil d'imposition, et les autres en paieront un peu moins (au maximum 200 euros de moins). Mais ces gains seront plus qu'annulés par la hausse de la TVA, qui passe de 17,5 à 20 %.

Pour le reste, pas de cadeau. Cameron reprend, en l'aggravant, le budget d'austérité qu'avaient présenté les Travaillistes en mars, avant leur défaite électorale. La pièce maîtresse en est une réduction des dépenses publiques de 70 milliards d'euros (dont les 46 milliards qu'avaient déjà prévus les Travaillistes), qui nécessitera une réduction de 25 % des dépenses de chaque ministère (sauf la Santé et l'Éducation, en principe) contre les 20 % prévus par les Travaillistes.

Quelles dépenses feront les frais de ces réductions ? Le gouvernement ne le dit pas encore, ou plutôt il ne le dit qu'en partie. Car il a déjà annoncé une baisse des dépenses de couverture sociale de 12 milliards d'euros, résultant d'une baisse de la valeur réelle des indemnités, des allocations logements et des retraites ainsi que d'un resserrement des conditions de leur attribution. Les plus pauvres et les plus vulnérables viennent donc en premier sur la ligne de tir. On sait aussi que Cameron a repris à son compte la baisse des salaires réels dans le secteur public qu'avaient prévue les Travaillistes, tout en s'engageant pour l'instant à ne pas toucher aux salaires nominaux.

S'agissant des infrastructures publiques, Cameron s'est engagé à s'en tenir aux plans des Travaillistes. Or ceux-ci avaient déjà prévu une réduction des budgets en valeur réelle chaque année jusqu'en 2015 ! Non seulement les constructions nouvelles seront contingentées mais également les projets de rénovation, voire de maintenance - avec, à la clé, le licenciement des ouvriers qu'ils auraient employés. C'est ce qu'on a d'ailleurs déjà vu avec l'annulation récente de projets de rénovation du réseau ferré.

Reste en suspens le sort des emplois du secteur public, du système de retraite et de la protection sociale en général. Dans chacun de ces domaines, les Travaillistes avaient déjà des plans d'austérité dans leurs tiroirs et le nouveau gouvernement a d'ores et déjà embauché comme « conseillers » ceux qui en avaient été les artisans dans l'administration travailliste, y compris des personnalités de ce parti. On peut donc s'attendre à ce que Cameron mette en oeuvre ces plans.

Au lendemain du budget travailliste de mars, un groupe d'économistes proches de la gauche de ce parti avaient calculé que les 46 milliards de réductions budgétaires qu'il prévoyait se traduiraient par une suppression de 500 000 emplois dans le secteur public, soit près de 10 % des effectifs. Combien les 70 milliards d'économies prévues par Cameron en supprimeront-ils ? Il est trop tôt pour le savoir, d'autant que cela dépend en grande partie des réactions des travailleurs à ces attaques.

En tout cas, l'application de ce budget et des plans qui l'accompagnent, contre l'emploi, la protection sociale, les retraites, etc. représente la menace d'une catastrophe sociale pour la classe ouvrière et d'un retour brutal en arrière pour ses conditions d'existence.

Dans les jours précédant ce « budget d'urgence », le CBI, le Medef britannique, s'est mis à réclamer à cor et à cri une aggravation de la législation antigrève, pourtant déjà très restrictive. Le patronat craindrait-il que se produisent les explosions de colère que prédisent depuis un certain temps les hauts gradés de la police ? La colère est en effet la seule réponse possible à cette offensive en règle des capitalistes et de leurs politiciens contre le monde du travail.

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