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- Lutte ouvrière n°2186
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États-Unis : Au congrès du syndicat de l'automobile, les syndiqués font entendre leur mécontentement
Malgré le contrôle de l'appareil sur le déroulement du congrès de l'UAW, le syndicat des travailleurs de l'automobile, qui s'est tenu du 14 au 17 juin à Détroit, le mécontentement et la contestation de la politique de la direction sont parvenus à s'exprimer et ont marqué le congrès.
RECUL CATASTROPHIQUE DU SYNDICAT
Le syndicat connaît une véritable hémorragie de syndiqués. Il comptait 1,5 million de membres en 1979 mais n'en a plus aujourd'hui que 355 000. Rien que l'an dernier, l'UAW a perdu 76 000 membres. Les licenciements et les fermetures d'entreprises y sont évidemment pour beaucoup mais la direction du syndicat en est aussi responsable. Depuis des dizaines d'années, elle mène une politique ouvertement pro-patronale, faisant accepter aux salariés des diminutions de salaires, des réductions de leurs prestations sociales, une aggravation des conditions de travail et la suppression de milliers d'emplois. Les dirigeants syndicaux ont ainsi accepté que les patrons dépouillent les ouvriers de l'automobile de 7 000 à 30 000 dollars chacun par an ! Ce sont là les chiffres cités par Bob King, qui vient d'être élu président du syndicat.
UNE CONTESTATION DIFFICILE A CACHER
Toute une série de résolutions avaient été adoptées par des sections syndicales pour protester contre l'adoption d'un salaire réduit de moitié pour les nouveaux embauchés, contre la réduction de la couverture médicale des retraités, contre l'engagement à ne pas faire grève que l'UAW a accepté chez General Motors et chez Chrysler, contre la pratique des dirigeants nationaux du syndicat de concéder aux patrons de nouveaux sacrifices par-dessus la tête des sections syndicales concernées, réclamant le droit pour les retraités de voter sur les mesures qui les concernent ou l'élection des responsables par la base, etc.
Mais ces résolutions avaient tout simplement disparu lorsque le congrès s'est ouvert et elles n'ont donc fait l'objet d'aucun débat ni d'aucun vote. Elles n'ont même pas été publiées dans le livre qui recense les résolutions des sections syndicales. Certains ont néanmoins fait connaître leur résolution en distribuant des tracts à l'entrée du congrès et la presse en a fait largement état.
UN CANDIDAT OUVRIER CONTRE LE CANDIDAT OFFICIEL
Il a été d'autant plus difficile aux dirigeants d'étouffer toute contestation qu'un délégué, responsable syndical dans l'usine de camions de Ford à Détroit, Gary Walkowicz, s'est porté candidat à la présidence du syndicat contre Bob King, le candidat officiel. Cela a constitué un événement politique car c'est la première fois depuis 1992 que quelqu'un se présente contre le candidat officiel à la présidence du syndicat.
La candidature de Gary Walkowicz contre Bob King exprimait clairement le désaveu de la politique des dirigeants du syndicat et la volonté de s'opposer aux sacrifices. Il y a six mois, Walkowicz et les ouvriers de son usine avaient été en pointe pour entraîner les travailleurs de l'ensemble des usines Ford à refuser les nouveaux sacrifices que les dirigeants syndicaux voulaient leur faire accepter. Les ouvriers de l'usine de camions avaient copieusement hué King, venu les inciter à voter oui. Et 70 % des travailleurs de Ford avaient voté non. S'opposer à la candidature de King, c'était se faire le porte-parole de tous ceux qui ne veulent plus accepter de tels reculs.
Devant cette double candidature, les dirigeants du syndicat ont dû procéder au vote nominal des délégués jusqu'à ce que le candidat officiel ait obtenu 51 % des voix, soit 2 115 voix. Gary Walkowicz a obtenu 75 voix, soit 3 % des votes, ce qui est déjà pas mal compte tenu du contexte et des très fortes pressions de l'appareil syndical. Il s'agissait de donner une expression publique à tous ceux, de plus en plus nombreux, qui s'opposent à la politique syndicale de collaboration avec les patrons. La presse a largement rapporté le sens de cette opposition qui s'est adressée par-delà les délégués du congrès aux travailleurs eux-mêmes.
LES DIRIGEANTS, CONTENTS D'EUX, LANTERNENT LES TRAVAILLEURS
Face à la grogne des syndiqués, les dirigeants du syndicat ont éprouvé le besoin de se justifier en déclarant par exemple : « Ces huit dernières années, nous avons dû adopter une stratégie tellement défensive pour sauver l'industrie (...) » « Nous avons maintenant l'occasion de recentrer les choses », a promis King. L'ex-président, qui part à la retraite, a affirmé : « Nous avons fait ce qu'il fallait pour sauver l'industrie et pour sauver les emplois. » Quant au président de la confédération qui regroupe la majorité des syndicats des États-Unis, l'AFL-CIO, Richard Trumka, voilà comment il s'est adressé au congrès : « Grâce à la clairvoyance et au courage de l'UAW, grâce à l'engagement du président Obama et au soutien de nos amis au Congrès, nous sommes en train de sauver l'industrie automobile américaine. Les trois plus grands constructeurs américains font à nouveau des profits. Nous saluons leur succès. Et nous leur demandons qu'ils se comportent aussi bien avec les travailleurs que ceux-ci se sont comportés avec eux. Car, tout comme les sacrifices ont été partagés dans les périodes difficiles, les gains doivent l'être dans les périodes de croissance. »
Inutile de dire qu'il est illusoire de compter sur le bon vouloir des patrons, ce que se garde bien de dire Trumka.
Les contestataires, eux, ont mis à profit le congrès du syndicat pour appeler les travailleurs à se préparer à résister aux sacrifices supplémentaires, lors des négociations pour le renouvellement des contrats l'an prochain, et au-delà « à reprendre ce qu'on leur a volé ».