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Leur société
Le Fabius nouveau est arrivé : Gare à la cuvée 2007 !
L'Humanité du 17 mai faisait sa Une sur Laurent Fabius et publiait une interview du numéro 2 socialiste. Il paraît, selon Le Monde du lendemain, que c'était une première et que l'on n'avait jamais vu un dirigeant socialiste de ce rang occuper une si grande place dans ce quotidien.
Ce que dit Fabius dans cet entretien n'est guère nouveau, par rapport aux raisons qu'il invoque pour justifier son choix en faveur du «non» à la Constitution européenne. Relevons cependant quelques propos qui détonnent par rapport à ses positions antérieures, du temps pas si lointain où ce monsieur n'était pas le champion de l'anti-libéralisme. Entre autres choses, il explique aux lecteurs de L'Humanité que «le projet actuel de la Constitution interdit à l'Union de procéder à l'harmonisation sociale par le haut. Or les différences sont considérables entre les nouveaux membres et les anciens: la concurrence sera farouche. Salaires, protection sociale, droit au travail, pensions... notre modèle social risque d'être tiré vers le bas.»
Vous n'avez pas la berlue: c'est du Fabius, et c'est dans L'Huma. Le saint-esprit aurait-il touché l'ancien ministre de Jospin à la Pentecôte? Le voilà tout à coup préoccupé de l'harmonisation sociale par le haut, s'inquiétant du risque que l'Europe qu'on nous prépare tire le social vers le bas. Que n'avait-il ce souci lorsqu'il était le «plus jeune Premier ministre de la France» de 1984 à 1986, ou encore lorsqu'il devint ministre des Finances de 2000 à 2002! Il était alors parmi les zélés partisans des traités européens successifs, qui pourtant ne brillaient pas par leur volonté d'unifier vers le haut les droits sociaux des pays constituant l'Union européenne. Fabius n'était d'ailleurs pas favorable à les pousser vers le haut en France même, alors qu'il était un des membres éminents du gouvernement.
Nul besoin d'aller chercher bien loin l'explication de ce miraculeux revirement vers «le plus de social» de Fabius. Il vend lui-même la mèche un peu plus loin dans cette même interview: «J'observe, dit-il, qu'une large partie du peuple de gauche se rassemble sur le "non". Ce n'est pas un hasard et c'est un magnifique espoir. Le rassemblement à gauche reste pour moi une nécessité absolue.» Et plus loin il précise encore: «Pour préparer l'alternance de demain, il faut commencer par voter "non" aujourd'hui.» Ces propos ressemblent à une chanson qu'on a trop de fois entendue. Quand Fabius parle d'un rassemblement sur le «non», il pense très fortement à un rassemblement sur son nom... en 2007.
Dans la dernière ligne droite de la campagne référendaire, Fabius hâte le pas pour apparaître comme la tête de file des tenants du «non». Il bénéficie pour cela de nombreuses complicités dans le monde des médias et dans celui des politiciens dits de gauche. D'ailleurs, selon un sondage IFOP, Fabius serait considéré comme le meilleur représentant du «non» par les Français.
De là à ce que l'on tente de faire croire à l'opinion populaire que Fabius, qui incarnait il y a peu l'une des tendances du PS les plus à droite, les plus ouvertement favorables au patronat, est le futur représentant des espoirs de la population laborieuse, il n'y a pas loin. Les marchands d'illusions y travaillent d'arrache-pied et le PCF y ajoute sa pierre, dans l'espoir d'être de la noce en 2007.
Pour préparer le monde du travail à agir pour défendre ses intérêts, qui s'opposent à ceux des Fabius et compagnie, il faut refuser de participer à cette entreprise de mystification.