Peugeot-Citroën Rennes : Augmentation de la production sur le dos des travailleurs20/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1920.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Peugeot-Citroën Rennes : Augmentation de la production sur le dos des travailleurs

Entre 2003 et aujourd'hui, la production de l'usine de Rennes est passée de 700 voitures par jour à environ 1500 (Citroën C5 et Peugeot 407). Cette augmentation de la production n'a pas pu se faire sans un accroissement des effectifs, mais dans une bien moins grande mesure. Au 31 décembre 2003, l'effectif était de 9013 travailleurs, dont 475 précaires (CDD et intérimaires). Aujourd'hui, il est de 12155 travailleurs, dont 3074 précaires. L'effectif total a donc augmenté de 35%, soit trois fois moins que l'augmentation de la production (115%)! Un bon millier de travailleurs a été embauché en CDI depuis début 2003, mais 600 autres sont partis en retraite anticipée Casa dans le même temps. L'effectif stable a donc très peu augmenté (un peu plus de 6%).

C'est ailleurs qu'il faut chercher les causes de l'augmentation de la production.

PSA a profité du passage aux 35 heures pour retirer les pauses du temps de travail effectif et supprimer le temps de repas de 40 minutes pour les travailleurs en équipes. Ceci permet de ne plus arrêter la production et de faire une équipe de nuit d'une durée équivalente aux équipes de jour. Cette nouvelle organisation permet au patron de faire produire des voitures 21 heures par jour.

Pour la production de la 407, les patrons ont ajouté à l'équipe de nuit une équipe dite de VSD (vendredi-samedi-dimanche). Une grosse partie de l'usine tourne donc maintenant quasiment 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

PSA utilise aussi la flexibilité permise par l'annualisation du temps de travail pour gérer sa production au moindre coût. Les ruptures d'approvisionnement prévisibles entraînent l'annulation de journées de travail, qui sont récupérées. De la même façon, s'il y a mévente de voitures, la production est arrêtée pour éviter de faire du stock. En période de forte demande, les samedis travaillés se multiplient et ne sont pas payés, car ils compensent les journées non travaillées.

Contrairement à une idée reçue, qui fait croire que les robots ont envahi les lignes de montage, l'automatisation a diminué depuis quinze ans. En 1989, des dizaines de robots assuraient le montage de la plupart des pièces lourdes et volumineuses de la XM. Aujourd'hui, pour la 407, il n'y a plus que la pose de la lunette arrière, du pare-brise et d'un joint qui est faite par des robots. Ce sont maintenant des ouvriers qui montent les roues, les sièges, les tableaux de bord ou encore les portes avec l'aide d'appareils de levage appelés «manipulateurs». Ce choix est guidé par une baisse du coût du travail humain, alors que les techniques de robotisation de montage sont relativement pointues et difficilement adaptables à de nouvelles productions.

C'est donc sur le dos des ouvriers, et pas grâce aux machines, que se fait l'augmentation de la productivité. Par exemple, les lignes «basculées» ont été supprimées récemment. Ces lignes basculaient les voitures sur le côté et permettaient de réaliser le travail sous caisse sans trop lever les bras. Aujourd'hui, les voitures passent au-dessus des ouvriers, qui doivent donc avoir les bras en l'air et la tête en arrière pour réaliser le travail sous caisse. Ces postures sont très fatigantes, mais cela permet au patron de réaliser une importante économie: auparavant les moteurs des voitures, qui sont livrés pleins d'huile (car testés dans les usines qui les fabriquent) devaient être vidangés avant de passer sur la «basculée», maintenant cette opération coûteuse est évitée.

Sur toutes les chaînes, les déplacements des ouvriers ont été limités au maximum. Des supports mobiles garnis de pièces et d'outils les suivent le long des chaînes au plus près des véhicules. Des plates-formes mobiles qui avancent avec les voitures limitent aussi les déplacements des ouvriers. Ceux-ci ont ainsi beaucoup moins de déplacement à effectuer, le piétinement diminue. C'est avec ces aménagements que la direction prétend améliorer l'ergonomie des postes de travail mais, en contre-partie, les ouvriers doivent exécuter plus d'opérations qu'auparavant dans le même temps. Au final, les articulations ne se reposent jamais, elles sont constamment sollicitées. Les TMS (troubles musculo-squelettiques) touchent de plus en plus d'ouvriers et de plus en plus tôt.

Les accidents du travail sont aussi plus nombreux, même si le taux officiel des accidents déclarés est bas. Les pressions pour ne pas les déclarer existent toujours. Un simple passage à l'infirmerie, ce qui est souvent le cas pour les accidents les moins graves, n'est pas déclaré en accident du travail. En 2004, il y a eu 3268 passages à l'infirmerie pour des accidents et 308 accidents déclarés à la Sécurité sociale, contre respectivement 1931 et 237 en 2003.

Ces dégradations des conditions de travail sont très mal supportées par les ouvriers... La grogne actuelle finira peut-être un jour par se transformer en une véritable colère, nécessaire pour faire reculer les prétentions de PSA.

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