Bolivie : Ça ne gaze pas pour le président!20/05/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/05/une1920.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolivie : Ça ne gaze pas pour le président!

Pendant le week-end du 14 au 16 mai, la partie de bras de fer entre le président bolivien, Carlos Mesa, et l'opposition conduite notamment par Evo Morales, député et dirigeant du MAS, un parti s'appuyant notamment sur les paysans cueilleurs de coca, a repris, toujours sur la question du prix auquel sera vendu le gaz naturel du pays aux différentes multinationales impérialistes qui souhaitent profiter de cette importante réserve naturelle, la seconde du continent sud-américain.

Sont en jeu 72 contrats signés par des sociétés pétrolières comme la compagnie brésilienne Petrobras, mais aussi l'espagnole Repsol, la britannique BP et bien sûr la française Total.

Cette question a déjà coûté sa place au précédent président bolivien qui, en octobre 2003, après avoir fait tirer sur des manifestants opposés au bradage de cette ressource dans un pays où la majorité de la population manque de tout, avait dû démissionner et s'exiler à Miami.

Son successeur, l'actuel président, universitaire et journaliste, présenté comme «indépendant» parce qu'il n'adhère à aucun parti... si ce n'est celui des possédants puisqu'il était déjà le vice-président du régime précédent, s'est retrouvé avec ce même problème. Depuis, il a cherché à gagner du temps. En 2004, il a organisé un référendum, dont le résultat (augmenter la taxation des compagnies pétrolières) est utilisé aussi bien par le président que par ses opposants, car il reste à fixer le niveau de cette taxation. En mars dernier, pour se redonner un peu de crédit, Mesa avait fait mine de démissionner pour se faire finalement plébisciter par un Parlement majoritairement à sa botte.

Le président bolivien, comme tous les régimes du continent sud-américain, est soumis à des pressions contradictoires, d'un côté celles des grands groupes capitalistes qui, en Bolivie, souhaitent disposer du gaz au coût le plus bas; de l'autre, il y a la capacité de mobilisation populaire de ses opposants, qui ne représentent que 33 élus sur les 130 députés du Parlement mais qui influencent différents réseaux, syndicaux (la Centrale Ouvrière Bolivienne) ou associatifs (notamment la Fédération des assemblées de quartier, influente parmi les 700000 habitants d'El-Alto, dans la banlieue de La Paz, là où la répression avait été féroce en 2003).

Pour calmer ses opposants, le président a accepté de rajouter un prélèvement fiscal de 32% sur chacune des ventes de gaz. Et, bien sûr, les multinationales poussent des hauts cris car, avec les redevances de 18%, la TVA et diverses autres taxes, cela représenterait une imposition globale de 65%. En même temps, cela ne suffit pas au MAS, qui souhaiterait que le prélèvement de 32% atteigne 50% et dénonce une «trahison du peuple», ni aux Comités de quartier d'El-Alto, qui revendiquent, eux, la nationalisation du gaz... et la démission du président.

Sur cette question du gaz se greffent d'autres problèmes. Les régions les plus riches, par exemple là où se trouvent la plupart des puits exploités, rêvent d'autonomie sur le modèle espagnol. Ainsi, à Tarija, les notables locaux ont lancé dans ce sens, le 5 mai dernier, une grève avec occupation des locaux publics, en exigeant un référendum sur ce sujet pour cet été.

Pour reprendre la main, le président Mesa avait appelé ses différents opposants à participer à un «débat national» pour ce 16 mai. Il a essuyé divers refus et finalement renoncé à cette convocation, ouvrant par cette reculade la voie à une nouvelle mobilisation. Les mouvements indigènes et de paysans sans terre veulent bloquer la route Oruro-La Paz. La direction régionale de la COB et la Fédération des assemblées de quartier de la capitale ont annoncé qu'ils bloqueraient le siège du gouvernement et commencé à bloquer les voies d'accès à la capitale.

Mesa prétend que sa loi sur les hydrocarbures entend tout à la fois protéger les investissements des multinationales et élargir la part qui revient à la Bolivie et accessoirement à la population. Mais il est impossible de servir deux maîtres. À fortiori, quand la population entre en lutte.

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