Le projet de Constitution européenne soumis à référendum le 29 mai prétend «préserver la paix, prévenir les conflits, renforcer la sécurité internationale». En affirmant que la construction européenne permettra d'éviter de nouvelles guerres, comme celles qui ont ravagé le continent entre 1914 et 1918, puis entre 1939 et 1945, les promoteurs de cette Constitution spéculent sur les sentiments bien naturels des peuples qui ne veulent pas voir de telles horreurs se reproduire. Leurs affirmations contiennent d'ailleurs un grain de vérité: la construction européenne, même faite sous l'égide du capital et à son seul profit, est un progrès ne serait-ce que parce qu'elle supprime des frontières entre les peuples.

Mais, en disant vouloir la paix, l'Union européenne, à l'image des États qui la composent, prépare la guerre. La Constitution stipule que «les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires» et prévoit que des troupes européennes seront constituées. En fait ces troupes existent et sont même déjà intervenues en ex-Yougoslavie et au Congo. Ces missions de police ont été effectuées sous commandement français et avec la participation de soldats d'autres pays. Pour la France, qui intervient régulièrement, surtout dans ses ex-colonies, l'armée européenne sera en fait une sorte de Légion étrangère... à moindre frais puisque la solde des soldats sera payée par leur pays d'origine. De toute façon les troupes européennes agiront «conformément aux principes des Nations unies», c'est-à-dire pour défendre l'ordre des puissances impérialistes, exactement comme les armées actuelles de bien des États européens l'ont fait, de l'Irak à la Serbie et de l'Afghanistan à la Côte-d'Ivoire, pour ne parler que des événements les plus récents.

Mais dans le domaine militaire comme dans les autres, l'Union européenne c'est avant tout une affaire de gros sous. Il est institué une «Agence Européenne de Défense» pour pourvoir en matériel l'armée européenne et promouvoir des coopérations entre les différents industriels du secteur. Les marchands de canons européens voient donc leurs subventions et leurs marchés étendus à l'échelle de toute l'Union. Par exemple, des petits pays qui ne pouvaient pas se payer des avions de combat Dassault, des navires équipés par Thalès ou des missiles fabriqués par Lagardère, pourront et même devront désormais le faire, en versant leur quote-part au financement de l'armée européenne. Quel progrès!

Les industriels européens de l'armement, en se regroupant et en additionnant les subventions, en travaillant à l'échelle de l'Union, espèrent pouvoir concurrencer les marchands de canons américains. Les termes de la Constitution européenne montrent comment l'Union se propose «d'oeuvrer pour la paix» en améliorant la compétitivité européenne... dans la course aux armements.