Mayotte : les ministres défilent, les problèmes persistent13/12/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/12/2889.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Mayotte : les ministres défilent, les problèmes persistent

La Première ministre Élisabeth Borne s’est rendue à Mayotte vendredi 8 décembre, accompagnée de deux ministres, Aurélien Rousseau (Santé) et Philippe Vigier (Outre-mer).

Confrontée au désespoir de la population privée d’eau deux jours sur trois, au manque de logements, à leur insalubrité quand ils existent, au manque d’écoles et d’hôpitaux et à l’insécurité, elle n’a su que débiter des platitudes du genre : « Ce n’est pas digne de notre pays », « la violence que vous vivez, ce n’est pas normal » et annoncer un déblocage de 240 millions d’euros de fonds pour moderniser l’hôpital... mais en laissant 70 % des postes de praticiens non pourvus !

Quant aux 100 millions d’euros supplémentaires versés au département dans le budget 2024, auxquels s’ajouteront 50 millions de solde de 2023, ces sommes restent insuffisantes pour rattraper les retards accumulés dans la construction d’écoles, de logements, d’hôpitaux, de routes, dans le développement des transports en commun ou encore dans les travaux d’adduction en eau potable, etc.

Les habitants de Mayotte croulent sous les difficultés quotidiennes. À l’obsédante pénurie d’eau s’est ajoutée depuis le 26 novembre une recrudescence des actes de violences commis par des bandes de jeunes. Le 10 décembre, un jeune est mort dans un affrontement entre bandes, tué non pas à coups de bâton ou de chombo (coupe-coupe) mais bien par arme à feu.

« C’est le chaos ! », disent les habitants. Des groupes de jeunes armés de machettes, de bâtons ou d’autres armes artisanales sévissent de jour comme de nuit, dans plusieurs villages comme à Iloni, Dembéni au sud, à Chirongui et Tsararano au centre, à Miréréni ou encore dans les quartiers de la capitale Mamoudzou.

Outre les fréquents caillassages de bus et de voitures, ces jeunes, dont de nombreux mineurs, érigent des barrages sur les routes dans le but de dépouiller les automobilistes qu’ils agressent parfois, brûlent des maisons, des commerces après les avoir saccagés, s’affrontent aux policiers et aux gendarmes.

À cause de ces affrontements et de ces barrages, des travailleurs ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail ; des étudiants, des lycéens et collégiens ratent leurs cours au risque d’échouer aux examens. Certains jours, ils restent bloqués toute une journée, en attendant que les voies se libèrent. Les habitants n’osent plus se rendre dans certains endroits de l’île, notamment aux abords des forêts, de peur de se faire agresser. Mahorais, Réunionnais, Mzungus (les Blancs), tout le monde peut être une cible potentielle s’il est soupçonné d’avoir de l’argent.

La population est excédée par les violences et l’insécurité. À Iloni, où le collège est resté fermé le 29 novembre, des femmes sont sorties armées de machettes pour empêcher des voyous de pénétrer dans le village. À Dembéni, le maire a instauré un couvre-feu de 19 heures à 4 heures pour les mineurs, pendant trois semaines.

Pour sortir de la rue, de la misère économique et morale dans laquelle ils se trouvent, ces jeunes devraient avoir accès à l’instruction, à du travail, à des loisirs, etc. Cela nécessiterait que l’État y mette tous les moyens nécessaires. On en est loin. Élisabeth Borne se contente de promettre « des opérations coups de poing » pour « ramener la sécurité », un deuxième plan « Shikandra » de lutte contre l’immigration illégale et... une nouvelle prison !

Borne et son gouvernement font preuve du même mépris qui marque la politique de l’État français à l’égard de la population mahoraise maintenue dans le sous-développement depuis deux siècles. Face à la colère provoquée par les conséquences catastrophiques de cet abandon, les responsables politiques n’ont qu’un plan : attiser la haine pour diviser les plus pauvres en désignant les immigrés comoriens et africains comme étant à la source de tous les malheurs présents. Un piège mortel dans lequel il ne faut pas tomber !

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