Centrales nucléaires : la gabegie23/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2521.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Centrales nucléaires : la gabegie

D’après RTE, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité chargé d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, la sécurité d’approvisionnement « s’annonce plus délicate à assurer que lors des hivers précédents, en raison de l’indisponibilité de plusieurs sites de production ».

Actuellement, près du tiers des 58 réacteurs nucléaires du pays sont à l’arrêt. S’il s’agissait d’une opération de maintenance classique pour préparer au mieux le passage de l’hiver, il n’y aurait là rien d’anormal. Mais il y a un problème. Une douzaine d’entre eux pourraient ne pas redémarrer : l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a détecté des teneurs en carbone trop élevées dans l’acier des fonds de générateurs de vapeur. Cela pourrait engendrer une fuite d’eau radioactive. EDF doit donc démontrer le respect des exigences de sûreté pour une vingtaine de réacteurs concernés. Pour l’instant, une dizaine a réussi l’épreuve.

Si EDF n’a pas détecté ces anomalies avant que l’ASN ne le fasse, ce n’est pas le fruit du hasard. Depuis des années, la seule préoccupation de la direction d’EDF est de faire que l’État, actionnaire majoritaire, et les actionnaires privés profitent de la rente nucléaire. Et pour cela de privilégier les suppressions d’emplois, même aux dépens de la sécurité.

La génération qui avait construit les centrales est partie à la retraite depuis le début des années 2000 sans que l’entreprise se soit souciée de la remplacer. Entre 2000 et 2005, l’effectif avait fondu de 20 % à l’ingénierie ou en ­recherche et développement (R&D), les services chargés entre autres de s’assurer du bon fonctionnement des équipements fournis. Après une reprise des embauches en 2004 avec la construction de l’EPR, il y a actuellement un nouveau plan de 4 000 suppressions d’emplois.

Ainsi, à la R&D, 300 emplois sont menacés. Du coup, même des études concernant la durée de vie de certains composants sont arrêtées sous prétexte que l’ASN ne s’y intéresse pas actuellement. Depuis longtemps, il s’agit surtout de faire en sorte que l’ASN soit satisfaite au jour le jour, pour répondre à ses inquiétudes du moment ou préparer les visites décennales pour justifier la poursuite du fonctionnement des centrales après trente ou quarante ans. Il ne s’agit donc pas d’anticiper les problèmes, d’investiguer sans relâche pour détecter où sont les failles. De plus en plus, EDF s’est déchargée sur les constructeurs des travaux de qualification des matériels. Actuellement, dans le cadre du rapprochement avec Areva, des projets sont étudiés pour supprimer les « doublons » dans les équipes, ce qui veut dire non seulement supprimer des emplois, mais aussi des outils qui permettaient les vérifications croisées.

Les travailleurs d’EDF et les sous-traitants font les frais de cette gabegie : les conditions de travail se dégradent avec un sentiment de gâchis face à ces déboires à répétition. Mais l’on voit que les risques sont aussi pour la population : risques de coupure du courant et aussi risques liés à la sûreté des installations.

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