États-Unis : le système électoral, une parodie de démocratie23/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2521.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : le système électoral, une parodie de démocratie

L’élection présidentielle américaine est à deux degrés, et les grands électeurs se réuniront le 19 décembre dans un collège électoral pour élire le président. Trump peut compter sur 306 grands électeurs, et Clinton sur 232. Pourtant, selon le décompte non définitif du 21 novembre, Clinton a obtenu 1,75 million de voix de plus que Trump.

Ce décalage s’explique par le fait que l’élection présidentielle se décompose en 50 élections. Dans 48 des 50 États, tous les grands électeurs sont attribués au vainqueur (principe du « winner takes all » – le gagnant rafle tout), même si la marge est très étroite. C’est en l’emportant dans plusieurs États cruciaux, souvent de peu, que Trump s’est imposé. Une pétition réclamant du collège électoral qu’il élise Clinton a recueilli 4,5 millions de signatures ; elle a peu de chances d’aboutir car les grands électeurs sont des militants sélectionnés pour leur loyauté. C’est la cinquième fois dans l’histoire que le perdant deviendra ainsi… le vainqueur. Avant-dernier en date, en 2000, Bush s’était imposé contre Al Gore, qui avait pourtant 500 000 voix de plus.

L’origine de cette incongruité – pour un pays qui se targue d’être un modèle démocratique – remonte aux débuts des États-Unis, à la fin du 18e siècle, quand le pays était dirigé par des grands bourgeois et des planteurs esclavagistes qui redoutaient par-dessus tout la mobilisation populaire, à une époque où le suffrage n’était pas universel. La Constitution américaine fut débattue entre 1787 et 1789. Le nouvel État fédéral rassemblait 13 anciennes colonies, qui avaient été unies par la lutte contre la tutelle britannique, mais dont les intérêts divergeaient sur plusieurs points. Ceux qui élaborèrent la Constitution devaient surmonter plusieurs contradictions. Une opposition importante séparait le Nord du Sud : les États à forte population d’esclaves voulaient que ceux-ci comptent dans le calcul de la représentation au niveau fédéral, même si les esclaves n’avaient aucun droit, tandis que les États du Nord y étaient réticents. Un sordide compromis dit des « trois cinquièmes » fut trouvé : un esclave comptait pour trois cinquièmes d’un homme libre. Un tel système ne pouvait être mis en œuvre que par le suffrage indirect.

Un autre clivage opposait les États ruraux aux États plus peuplés. Pour satisfaire les États les moins peuplés, les « pères fondateurs » créèrent un Sénat où chaque État élirait deux sénateurs ; en revanche, pour satisfaire les États les plus peuplés, le nombre de membres à la Chambre des représentants serait proportionnel à la population. Le collège électoral devait refléter ce compromis, le nombre de grands électeurs étant égal, pour chaque État, à la somme du nombre de représentants et de sénateurs.

Même si la Constitution américaine a évolué sur plusieurs points, la répartition des grands électeurs au sein du collège électoral obéit au principe d’origine. Par exemple, le Wyoming compte trois grands électeurs (deux sénateurs + un représentant), tandis que la Californie en compte 55 (deux sénateurs + 53 représentants). Dans le Wyoming, on compte un grand électeur pour 195 000 habitants ; en Californie, un pour 711 000 habitants. Ainsi, le système du collège électoral avantage toujours les États ruraux, peu peuplés et souvent conservateurs.

Enfin, un des objectifs du collège électoral était que le petit peuple soit tenu à distance de l’élection du président. D’où l’intérêt d’une élection à deux degrés, dans la capitale fédérale, à l’écart des principales villes.

Tout le système politique américain – du fonctionnement des institutions au choix des capitales des États – est marqué par cette volonté des possédants de placer le pouvoir politique à distance de la population.

Partager