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Leur société
Décrochage scolaire : une question de moyens
Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation nationale, a convoqué la presse lundi 21 novembre pour annoncer que la lutte contre le décrochage scolaire était en marche et que la victoire était proche.
Les décrocheurs sont ces élèves inscrits dans des établissements d’enseignement mais qui n’y mettent plus les pieds et, finalement, quittent le circuit scolaire sans aucun diplôme, sans formation, voire sans même savoir lire, écrire, compter. L’administration et des associations ont mis sur pied des dispositifs pour rattraper les décrocheurs, leur donner une formation de base, leur faire réintégrer le circuit scolaire. Aussi variées que soient leurs méthodes, elles reposent toutes fondamentalement sur la même base : les enseignants et éducateurs doivent pouvoir consacrer le temps qu’il faut à chaque enfant. Il faut beaucoup d’enseignants encadrant des petits groupes d’élèves.
Dans ces conditions, certaines institutions parviennent à faire retrouver le chemin de l’école à la moitié des élèves qu’elles reçoivent. Mais il s’agit là d’une toute petite minorité, puisque, au total et en suivant les estimations les plus optimistes du ministère, un décrocheur sur cinq seulement entre en contact avec ces organismes spécialisés. Au moment où la ministre compare des choux et des carottes pour affirmer que le nombre de décrocheurs serait passé de 140 000 à 98 000, la misère sociale en fabrique de nouveaux par milliers. Les décrocheurs ne sont de plus que la partie administrativement détectable du problème. Combien y a-t-il en effet de jeunes, certes présents dans les classes, mais qui ont les plus grandes difficultés pour écrire, raisonner, s’exprimer ? Combien y a-t-il même de jeunes « diplômés » et qui ne savent que très vaguement écrire, au point d’oublier en quelques années le peu qu’ils avaient appris ?
Si l’État se souciait réellement de l’éducation des enfants des classes populaires, il n’attendrait pas pour intervenir que des centaines de milliers de jeunes aient décroché, à l’extérieur ou à l’intérieur des établissements scolaires. Il mettrait les moyens nécessaires dès le début, dès la maternelle et les petites classes, réduisant les effectifs, multipliant les enseignants et l’encadrement, de façon à ce que tous les enfants apprennent à apprendre. Cela coûterait certainement plus cher que les malheureux dix millions d’euros que l’Éducation nationale consacre aux décrocheurs. Mais c’est à ce prix seulement que l’école pourrait faire autre chose que reproduire l’inégalité sociale.
Aucun gouvernement ne l’a fait depuis bien longtemps et aucun « présidentiable » ne le propose aujourd’hui. Pour les enfants d’ouvriers, pour les gamins des cités populaires, l’État n’a que des mots creux lorsqu’ils sont sages, des matraques lorsqu’ils protestent, du mépris dans tous les cas.