Érythrée : fuir pour ne pas périr23/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2521.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Érythrée : fuir pour ne pas périr

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 4000 à 5000 Érythréens fuient chaque mois la dictature qui domine ce pays, un des dix plus pauvres du monde, et tentent de rallier l’Europe.

L’Érythrée, à la corne de l’Afrique, est limitrophe du Soudan, de l’Éthiopie et de Djibouti. Elle a 1000 km de façade sur la mer Rouge. Sur l’autre rive, se trouvent l’Arabie saoudite et le Yémen. L’Érythrée compte cinq à six millions d’habitants et détient des réserves d’or, de potasse, de zinc, de cuivre et de sel. Colonie italienne de 1890 à 1940, les troupes britanniques s’en sont emparée en 1941. À la fin de la guerre, l’ONU a envisagé un temps de la partager entre le Soudan et l’Éthiopie, pour finalement la fédérer en 1952 à l’Éthiopie, qui fera tout pour l’annexer, chose faite en 1962.

Ce fut le point de départ d’une guérilla de trente ans qui déboucha sur l’indépendance en 1993. Le nouveau régime décréta alors l’état d’urgence, jamais levé depuis. De 1998 à 2000, l’Érythrée s’opposa à nouveau à l’Éthiopie dans une guerre pour le tracé des frontières, soldée par 100 000 morts de chaque côté et dévastatrice pour l’Érythrée, dont la production de nourriture s’effondra.

Après cette guerre, le régime s’est durci. Certains des proches du dictateur Issaias Afeworki, voulant réformer le système, ont lancé une opposition, réprimée par des arrestations, des disparitions et des assassinats. Les partis politiques et journaux ont été alors interdits. Il y aurait 10 000 prisonniers politiques.

L’État prend en charge la totalité du coût de la scolarité obligatoire, de 6 à 16 ans, la moitié des frais post-scolaires et les frais médicaux de tous les habitants. Mais à partir de 17 ans tous les citoyens, hommes et femmes, après 18 mois de service militaire, doivent servir dans l’armée ou dans une entreprise d’État jusqu’à 40 ou 50 ans.

Le pays est devenu un immense camp de travail forcé où la vie quotidienne est faite d’arrestations et de terreur. Au moins 800 000 personnes ont réussi à quitter le pays. Mais les chemins de l’exil sont risqués. Beaucoup sont enlevés par les tribus bédouines du désert du Sinaï, voire par des militaires érythréens, car plusieurs proches du dictateur sont soupçonnés de tirer profit de ces enlèvements.

Afeworki prétend refuser toute aide internationale mais il a été financé par la Lybie de Kadhafi, la Chine, le Qatar et les fonds d’aides de l’ONU. Le régime arme et entraîne les shebabs islamistes de Somalie. Les grandes puissances laissent faire, surtout soucieuses de ne pas déstabiliser la corne de l’Afrique et de conserver le poste avancé occidental de Djibouti.

Ce soutien tacite des puissances impérialistes à la dictature n’empêche pas les politiciens européens de déclarer qu’il faut renvoyer chez eux les migrants érythréens. Pour ces démagogues, « le problème est simple : il faut qu’ils aient le droit de vivre décemment chez eux ». Sauf que la domination impérialiste a depuis longtemps transformé leur « chez eux » en enfer... Difficile d’être plus cynique.

Partager