- Accueil
- Lutte ouvrière n°2438
- États-Unis, avril 1865 : fin de la guerre de Sécession
il y a 150 ans
États-Unis, avril 1865 : fin de la guerre de Sécession
Le 9 avril 1865, à Appomattox, aux États-Unis, avait lieu le dernier combat de la guerre de Sécession, commencée quatre ans plus tôt en avril 1861. Opposant les troupes sudistes du général Robert Lee aux armées du lieutenant-général nordiste Ulysses Grant, il se solda par la reddition de Lee dans l’après-midi. Il y eut encore des combats sporadiques jusqu’en juin, mais le 9 avril allait être retenu comme marquant la fin de cette guerre civile américaine entre Nord et Sud, qui causa la mort de près de 620 000 combattants.
Depuis le 1er avril 1865, les troupes sudistes perdaient du terrain face aux nordistes. Le 3 avril, les troupes du général Grant occupèrent Richmond, la capitale sudiste, obligeant le général Lee à rallier la gare d’Appomattox, où l’attendaient des trains chargés de provisions. Mais le 8 avril des cavaliers nordistes s’emparèrent de ces trains et les incendièrent. Privé de ressources, il ne restait plus à Lee qu’à capituler avec 26 000 soldats.
Les origines de la guerre
La guerre de Sécession opposa le Nord industriel au Sud agricole, grand producteur de coton. Après la guerre d’Indépendance qui avait uni, de 1775 à 1783, treize colonies d’Amérique du Nord dans leur combat contre la métropole britannique, les États-Unis s’étaient dotés d’une Constitution en 1787. Une clause initiale prévoyait d’abolir l’esclavage et de garantir à tous les citoyens américains les mêmes droits mais, pour ne pas froisser les États esclavagistes, elle fut abandonnée.
Le Nord était protectionniste, pour protéger son industrie naissante et tournée vers le marché intérieur. Le Sud était libre-échangiste, opposé aux droits de douane et orienté vers l’Europe pour ses exportations, celle du coton en particulier, qui représentait plus de la moitié de celles des États-Unis. Une minorité de riches planteurs sudistes disposaient des nombreux esclaves, mais les trois quarts des sudistes blancs n’en avaient aucun. L’économie du Nord bénéficiait, elle, de la main-d’œuvre abondante et peu coûteuse des immigrants. La grande majorité des nouveaux arrivants aux États-Unis cherchaient un emploi dans le Nord. Dans les années précédant la guerre civile, l’industrie, les transports y connurent un développement rapide.
L’économie sudiste reposait sur le coton. Mais le mode de vie aristocratique des dirigeants sudistes les poussait à vendre par avance leur récolte de coton et à passer par les courtiers des banques du Nord pour disposer d’argent frais. L’économie du coton exigeait toujours plus d’esclaves et de terres, cette culture épuisant les sols. Dans un territoire américain encore en cours de conquête, les sudistes souhaitaient que les nouveaux États choisissent d’être esclavagistes. Ainsi, en 1854 au Kansas les colons sudistes, minoritaires mais arrivés les premiers, imposèrent leur loi et cet État devint un État esclavagiste.
Une telle situation ne pouvait durer. Le Sud se voyait bien quitter l’Union et prendre langue avec la Grande-Bretagne, principal client pour son coton. Le Nord, lui, considérait que, pour devenir une grande puissance, les États-Unis devaient renforcer l’Union, alors que jusque-là la plupart des Américains se pensaient d’abord comme citoyens de leur État local.
Le 20 décembre 1860, opposée à l’élection d’Abraham Lincoln à la présidence des États-Unis, connu comme adversaire de l’esclavage, la Caroline du Sud fit sécession. Rejointe par dix autres États esclavagistes (Alabama, Arkansas, Caroline du Nord, Floride, Géorgie, Louisiane, Mississippi, Tennessee, Texas et une partie de la Virginie), elle constitua la Confédération des États d’Amérique, présidée par Jefferson Davis, avec Richmond (Virginie) pour capitale. Le 15 avril 1861, les confédérés sudistes attaquèrent un fort militaire nordiste. Lincoln lança un appel aux armes dans les 23 d’États lui restant fidèles.
Officiellement, les confédérés entraient en sécession au nom de leur droit à l’auto-détermination et les nordistes entendaient maintenir l’unité du pays. En réalité, les sudistes défendaient ce qu’ils appelaient pudiquement « l’institution particulière », tandis que les Nordistes voulaient briser l’aristocratie des propriétaires d’esclaves, obstacle à un plein développement capitaliste.
Nettement moins industrialisé et avec seulement 9 millions d’habitants (dont près de 4 millions d’esclaves noirs), le Sud disposait cependant de meilleurs officiers, comme Lee. La majorité des soldats sudistes étaient de petits agriculteurs sans esclaves ; beaucoup n’avaient pas de quoi se payer des chaussures et combattaient avec leur propre fusil de chasse. En face, l’Union disposait d’une supériorité de moyens : 22 millions d’habitants, un budget militaire, des effectifs deux fois plus élevés, une industrie, des transports et une marine puissante.
Le tournant de la guerre civile
Jusqu’en septembre 1862, les sudistes dominèrent les champs de bataille. Après la victoire nordiste à Antietam (Maryland), le 17 septembre 1862, Lincoln proclama l’émancipation des esclaves du Sud, avec effet au 1er janvier 1863. Jusqu’alors, il avait nié que l’abolition soit un objectif du conflit, craignant que le Delaware, le Maryland, le Kentucky, le Missouri, quatre États esclavagistes restés dans l’Union, ne basculent dans le camp sudiste. Mais cette proclamation allait lui permettre d’inverser vraiment le rapport de force.
En effet les esclaves du Sud profitèrent de la désorganisation occasionnée par la guerre pour ralentir leur travail et même refuser d’obéir à leurs propriétaires. Parallèlement, la volonté de combattre manifestée par les Noirs libres du Nord et les fugitifs venus du Sud aboutit à la constitution d’unités de combattants noirs. 180 000 Noirs allaient combattre du côté nordiste, la moitié étaient des esclaves libérés.
Le tournant de la guerre fut la bataille de Gettysburg, du 1er au 3 juillet 1863, qui mit hors de combat 54 000 hommes et obligea les sudistes à battre en retraite. Au même moment, les nordistes commandés par le général Grant s’emparèrent de Vicksburg, au bord du Mississippi. La supériorité du Nord s’affirma ensuite inexorablement. En mars 1864, Lincoln nomma Grant commandant de toutes ses armées, tandis que le général nordiste Sherman poursuivait sa « marche à la mer », c’est-à-dire au cœur du Sud. Ses 65 000 soldats parcoururent 500 kilomètres en vingt-quatre jours, en dévastant tout. Le 10 décembre 1864, la ville sudiste de Savannah était en flammes. Enfin, le 3 avril 1865, Grant s’empara de Richmond, la capitale sudiste, dont le président Jefferson Davis dut s’enfuir. Lincoln y fit une entrée triomphale, acclamé par des esclaves noirs.
La guerre de Sécession conserva des traits des guerres napoléoniennes, où l’infanterie jouait un grand rôle. Mais elle mit aussi en œuvre les ressources de l’ère industrielle. Il y eut une mobilisation générale. Le réseau ferré nordiste permit des mouvements de troupes et le remplacement rapide du matériel perdu, ce qui annula souvent les victoires des sudistes sur le champ de bataille. L’ampleur des destructions fut telle que le Sud termina la guerre exsangue. En revanche, la guerre renforça l’industrie et l’agriculture du Nord : la production de blé du Middle West fut multipliée par trente.
La consécration de la bourgeoisie capitaliste
Le bilan fut lourd. Les combats mobilisèrent plus de trois millions de combattants. 360 000 combattants nordistes et 260 000 sudistes furent tués. Des centaines de milliers de victimes civiles s’y ajoutèrent. La guerre de Sécession fit plus de victimes américaines que toutes les guerres du 20e siècle allaient en faire, y compris les deux guerres mondiales.
La guerre consacra la victoire de la grande bourgeoisie du Nord sur l’aristocratie esclavagiste du Sud, et son hégémonie sur les États-Unis. La sécession d’un État était désormais exclue, car les capitalistes du Nord avaient besoin du marché constitué par l’ensemble des États de l’Union. L’unité de États-Unis était ainsi consacrée.
Lincoln ne put gagner la guerre qu’en promettant l’affranchissement aux esclaves noirs et la guerre de Sécession allait rester, dans la légende américaine, comme une grande étape du combat pour la liberté. Celle-ci allait cependant montrer rapidement ses limites.
Elle s’avéra surtout être la liberté des capitalistes d’exploiter leurs « libres » salariés. Quant aux Noirs libérés de l’esclavage, ils allaient constater, dès la fin des années 1870, que le racisme persistait dans le Sud. En fait, un système de ségrégation allait se mettre en place et empoisonner encore pour au moins un siècle la vie des Noirs du Sud. Et, encore aujourd’hui, le racisme continue de marquer profondément la société américaine.