Travailleurs détachés : Terra fecundis pour les profits22/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2438.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Travailleurs détachés : Terra fecundis pour les profits

Terra fecundis (Terre féconde) est une société d’intérim espagnole qui fait travailler des milliers d’ouvriers d’origine sud-américaine dans la moitié sud de la France. La mort d’un ouvrier en 2011 a, en partie, levé le voile sur ses méthodes de surexploitation.

En effet un ouvrier équatorien de 33 ans, employé dans une petite commune au sud d’Avignon, avait alors trouvé la mort des suites d’un travail harassant sous une chaleur caniculaire, ce qui avait déclenché diverses enquêtes.

Ces travailleurs sont payés 7 euros de l’heure, facturés 14 à 15 euros aux agriculteurs faisant appel aux services de Terra fecundis. C’est un tarif au-dessus de ce qui se pratique habituellement, mais les intérimaires proposés peuvent travailler de longues journées pour la plus grande satisfaction des exploitants, bien nommés. En quelques années, Terra fecundis s’est imposé et fournirait 20 % de la main-d’œuvre du secteur, générant parfois des frictions avec d’autres employés, qui se sentent menacés.

Les mêmes ouvriers peuvent ramasser des fruits dans le Sud-Ouest ou faire les vendanges en Bourgogne. Pour cumuler toutes les saisons de travail, la société d’intérim a créé sa propre compagnie de bus, qui peuvent aussi à l’occasion faire du ramassage scolaire.

Tous sont des travailleurs détachés sous contrat espagnol. Si les cotisations sociales sont payables en Espagne, les salariés sont censés dépendre du droit français quand ils travaillent ici. Mais leurs contrats sont des « contrats permanents intermittents », ce qui fait qu’à chaque baisse d’activité ils ne sont pas payés. Et, selon l’Inspection du travail et des militants syndicaux, ils ne bénéficieraient ni de congés payés, ni d’heures supplémentaires majorées.

Ces ouvriers intérimaires travailleraient jusqu’à douze, treize, voire quatorze heures par jour, y compris le dimanche.

Une salariée a dénoncé sur Internet leurs conditions d’hébergement : « Ni eau, ni électricité, ni fenêtre, et des matelas pisseux. » Théoriquement, ces travailleurs bénéficient de l’assurance-maladie mais, dès qu’un d’entre eux est blessé, il est rapatrié en Espagne.

Terra fecundis prétend proposer des prêts immobiliers ou des cours de français à ses salariés, mais ceux-ci disent ne pas en voir la couleur.

Ni la justice des deux côtés des Pyrénées, ni l’Inspection du travail espagnole ne se sont empressés d’éclaircir le fonctionnement de cette société. Il a fallu attendre la fin de l’année 2014 pour que soit lancée une enquête préliminaire pour « travail dissimulé en bande organisée ». Quant à l’enquête sur la mort du travailleur équatorien, en quatre ans le juge d’instruction qui en est chargé a changé trois fois...

La terre reste donc fertile pour les patrons. En 2012, pour un chiffre d’affaires de 41 millions d’euros, ils ont empoché un bénéfice de 6 millions d’euros. Et, bien sûr, ils entendent continuer d’exploiter ce filon, au mépris de ceux qu’ils maltraitent sans vergogne.

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