70 ans après le massacre de Sétif : voyage mémoriel et crimes coloniaux22/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2438.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

70 ans après le massacre de Sétif : voyage mémoriel et crimes coloniaux

Le 19 avril, le secrétaire d’État aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, s’est rendu à Sétif, au nord-est de l’Algérie, pour un « voyage mémoriel ».

Une heure et demie et quelques gerbes de fleurs plus tard, avec une phrase sur « la reconnaissance par la France des souffrances endurées et l’hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, de Guelma et de Kheratta », la question de Sétif devenait, pour le gouvernement ­Valls, une affaire réglée. Tout au plus sera-t-il question, d’ici quelques semaines, de la nouvelle visite d’un ministre un peu plus élevé dans la hiérarchie, pour évoquer le massacre commis par l’armée française et les milices de colons dans les quelques jours suivant le 8 mai 1945.

Ce jour-là, la manifestation organisée par les autorités françaises à Sétif pour fêter la reddition de l’Allemagne vit fleurir des slogans réclamant l’indépendance, et même un drapeau algérien ! Des manifestants et des Européens furent tués. C’en était trop pour les forces armées françaises et les responsables de l’administration coloniale, qui organisèrent le massacre de plusieurs dizaines de milliers d’Algériens, à Sétif mais aussi à Guelma et Kheratta.

Bombardements de villages, arrestations, tortures, exécutions, actes de barbarie jalonnèrent ces journées, dans la pure tradition de violence coloniale appliquée à la population algérienne depuis plus d’un siècle. Elles annonçaient déjà la guerre d’Algérie.

Ces massacres de mai 1945, couverts par un gouvernement de Gaulle comprenant des ministres SFIO et PCF, furent longtemps occultés par l’histoire officielle. Et si Hollande y fit allusion lors de son arrivée à la présidence, c’est néanmoins un gouvernement de droite qui dicta en 2005 un des premiers gestes de repentance à son ambassadeur en Algérie. Depuis, le silence était retombé, à quelques exceptions près, jusqu’à ce voyage protocolaire du 19 avril qui, même tout symbolique, a provoqué de la part de l’ancien ministre UMP Wauquiez, quelques plaintes sur l’absence de « fierté de notre histoire » et la « repentance à sens unique ». Todeschini avait pourtant soigneusement équilibré son geste en se rendant également au cimetière marin de Mers-el-Kébir pour un hommage aux marins français tués en juillet 1940 lors d’un bombardement britannique.

Cette visite se plaçait sans doute dans le cadre d’un processus de rapprochement diplomatique franco-algérien. Mais, de là à une véritable reconnaissance des crimes de la bourgeoisie française au cours de sa domination coloniale en Algérie, il y a loin.

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