République d'Irlande : Contre la taxe sur l'eau18/12/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/12/2420.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

République d'Irlande : Contre la taxe sur l'eau

Le 10 décembre, 70.000 à 100.000 manifestants se sont retrouvés dans les rues de la capitale irlandaise Dublin, contre l'introduction d'une taxe sur l'eau. Mais en fait, cette mobilisation fait suite à bien d'autres.

L'eau était gratuite en Irlande depuis qu'en 1977, le parti de la droite nationaliste Fianna Fail avait aboli les impôts locaux, en contrepartie d'une hausse de l'impôt sur le revenu et de l'introduction de la TVA. Dès lors, l'eau et le tout-à-l'égout avaient été financés par une subvention de l'État aux municipalités.

Puis, en 1983, en pleine récession, le parti de la droite « libérale » Fine Gael, allié au Parti travailliste, avait réduit le financement des municipalités tout en les autorisant à réintroduire des impôts locaux. Les protestations avaient été telles dans certaines grandes villes, dont Dublin, que les municipalités avaient renoncé à user de cette possibilité.

Une décennie plus tard, en 1994, Fianna Fail décidait de s'attaquer au bastion de la résistance - Dublin - en tentant d'y imposer une taxe sur l'eau. Pendant deux ans, les manifestations se succédèrent tandis qu'une campagne de refus de paiement paralysait les tribunaux. Finalement, en décembre 1996, les manifestants l'avaient emporté avec l'abandon du projet de taxe sur l'eau.

L'hydre de la taxe sur l'eau refit surface en décembre 2010. Le Fianna Fail, alors au pouvoir, invoqua les exigences du plan européen de sauvetage de l'économie irlandaise. C'était un mensonge éhonté, mais les intentions du pouvoir étaient claires : il s'agissait une fois encore de préparer la privatisation de l'eau.

Deux mois plus tard, le Fianna Fail, discrédité par sa politique d'austérité, était renversé par une coalition Fine Gael-travaillistes. Elle poursuivit la politique engagée. Les services des eaux des 31 collectivités locales du pays, avec leurs 3.600 salariés, furent centralisés au sein d'une compagnie nationale, Irish Water. En même temps, l'adjudication de l'installation de compteur d'eau dans 1,3 million de foyers suscita bien des scandales. Parmi les bénéficiaires de ce pactole, on vit apparaître InterServe, une société de services appartenant à Denis O'Brien, l'homme le plus riche d'Irlande, compromis avec d'ex-ministres de Fine Gael dans des scandales de pots-de-vin.

Quand on apprit que le coût minimal de la taxe pour un foyer de deux adultes et deux enfants s'établissait à plus de 600 euros par an, le mécontentement général provoqué par la politique anti-ouvrière du gouvernement et la corruption chronique de la classe politique se cristallisa autour de cette taxe. Deux premières journées nationales eurent lieu le 11 octobre, puis le 1er novembre, regroupant entre 80.000 et 150.000 participants. Tant et si bien qu'à l'issue de cette seconde journée, le Fine Gael préféra lâcher du lest en réduisant de moitié le tarif annoncé - mais en partie par une réduction pour la première année seulement.

À en juger par la mobilisation du 10 décembre, il faut croire que des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes restent déterminés à obtenir l'abolition pure et simple de cette taxe.

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