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Turquie : Guerre entre la bande d'Erdogan et celle de Gülen
Le dimanche14 décembre à l'aube, plus de 8 000 policiers ont été mobilisés dans treize villes, dont Istanbul et Ankara, pour une vaste opération visant l'entourage de la confrérie Gülen.
Depuis plusieurs jours, des informations circulaient à propos d'une opération d'envergure contre la confrérie Gülen, évoquant une liste de 400 personnes, dont 150 journalistes, que le gouvernement voulait faire arrêter. Déjà 31 personnes l'auraient été, parmi lesquelles le rédacteur en chef du plus grand quotidien, Zaman, ainsi que le directeur d'une grande chaîne de télévision. Ces deux médias appartiennent tous deux à la confrérie Gülen. Des hauts responsables de la police, proches de Gülen, ont également été arrêtés, sous l'accusation de « participation à une entreprise terroriste visant à renverser l'ordre constitutionnel » et de « fomenter un complot contre le parti gouvernemental AKP ». Le Premier ministre Davutoglu a quant à lui déclaré : « Ils ont tenté un coup d'État, ils paieront pour cela. » Coïncidence ? C'est à quelques jours près l'anniversaire du 17 décembre 2013, date à laquelle les gülenistes avaient lancé les opérations judiciaires anticorruption visant les hauts responsables de l'AKP, parmi lesquels quatre ministres et le fils cadet de l'actuel président Erdogan.
Les différents gouvernements AKP se sentent menacés notamment par la confrérie Gülen, secte religieuse qui contrôle une partie de l'appareil d'État (police, magistrature et enseignement privé) et qui a le soutien des grandes puissances, notamment des États-Unis. Les divers gouvernements américains semblent avoir misé de longue date sur la confrérie pour faire pièce à Erdogan et à l'AKP, qui ne tiennent compte ni de l'avis ni des avertissements des États-Unis, que ce soit à propos de l'embargo contre l'Iran ou à propos des politiques de soutien aux islamistes en Syrie et en Irak.
Pour toutes ces raisons, on assiste depuis le 17 décembre 2013 à des arrestations en cascade des membres de la confrérie Gülen dans tous les milieux, notamment parmi les hauts gradés de la police et de la magistrature. Entre le 17 décembre 2013 et juin 2014, 2 224 magistrats ont été mutés et plus de 6 000 policiers ont été soit mutés, soit remerciés.
En juin 2014, un cran supérieur a été franchi, car il s'est agi d'arrestations directes affectant entre autres d'anciens responsables de la sécurité d'Erdogan. En juillet, 31 officiers de police ont été inculpés pour écoutes illégales et 33 autres dix jours plus tard. Les arrestations se sont ensuite poursuivies, visant entre autres 34 policiers, dont l'ex-patron de l'unité chargée des crimes financiers, à l'origine du scandale de corruption.
Erdogan et son entourage avaient déjà prévenu qu'ils allaient en finir avec la confrérie Gülen et traquer ses membres « jusque dans leurs tanières », les accusant d'être une « structure parallèle utilisée par un pays du sud », à savoir Israël. Puis, dans son discours du 12 décembre, Erdogan a accusé la confrérie d'avoir préparé il y a un an un coup d'État, ajoutant : « Les plans pour m'arrêter étaient prêts. »
Cette guerre entre clans islamo-conservateurs peut sembler hors des préoccupations de la population, et elle l'est, mais elle renforce le côté répressif de l'appareil d'État, qui n'hésitera pas à l'occasion à l'utiliser avec la violence dont il est coutumier contre les classes populaires, et en particulier la classe ouvrière.