Prolongement de l'activité des centrales nucléaires : Un pari qui accroît les risques08/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2362.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prolongement de l'activité des centrales nucléaires : Un pari qui accroît les risques

L'État va certainement décider de prolonger de quarante à cinquante ans la durée de vie des centrales nucléaires. Il est même question que l'on passe ensuite à soixante ans, même si en principe c'est l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, qui est seule habilitée pour donner un éventuel feu vert à la prolongation d'activité d'une centrale pour une période de dix ans, renouvelable ensuite.

Cette prolongation pose d'abord la question de la sécurité. À l'origine, les 58 réacteurs nucléaires étaient prévus pour fonctionner trente ans, à condition de satisfaire aux visites décennales. S'il y a des éléments des centrales qu'on peut remplacer, comme les générateurs de vapeur, d'autres ne peuvent pas l'être, comme la cuve en acier des réacteurs ou les enceintes de confinement en béton. Or on n'a pas la preuve de la bonne tenue sur le long terme des matériaux soumis aux irradiations et à la corrosion.

Il y a seulement dix ans, un rapport destiné au Parlement s'inquiétait que le CEA n'accorde que 0,5 % de son budget au vieillissement des centrales, un montant qui avait même baissé de moitié entre 2002 et 2003. À EDF, même si un certain effort de recherche a été maintenu, ce n'est qu'en novembre 2009 qu'un institut sur le vieillissement des matériaux a été fondé, conjointement avec Tepco (la société de Fukushima) et un institut américain. Le manque de maîtrise sur le sujet était de la sorte devenu international.

La durée de vie des centrales dépend aussi des hommes qui les font fonctionner. Depuis des années, la maintenance est négligée pour des raisons d'économies. Il y a un recours massif à des équipes de sous-traitants à qui il est demandé de travailler toujours plus vite, alors que pour le contrôle des travaux, le personnel EDF est plus restreint. Prolonger la vie des centrales nécessiterait de redoubler de précautions. Or, pour des raisons financières, EDF fait exactement l'inverse. Pour le moment, c'est sans doute d'abord de là que vient le danger.

L'État est propriétaire de 84,4 % des actions d'EDF et touche l'essentiel des dividendes. Si l'on considère la période de cinq ans allant de 2008 à 2012, EDF a fait 14,7 milliards d'euros de bénéfices cumulés et versé en tout 8,528 milliards de dividendes à l'État, auxquels se rajoute l'impôt sur les sociétés. Il est même arrivé que dans une année de bénéfices médiocres, EDF verse à l'État davantage de dividendes qu'elle n'avait fait de bénéfices, en puisant dans sa trésorerie.

EDF a ainsi rapporté en moyenne, sur la période considérée, 1,7 milliard d'euros par an à l'État. C'est un record, davantage que GDF Suez et que France Télécom. L'État n'a bien évidemment pas l'intention de renoncer à cette manne, ni même de l'entamer comme il devrait le faire s'il fallait arrêter prochainement l'exploitation des centrales nucléaires, et donc se lancer dans leur démantèlement fort coûteux. Il faudrait envisager alors la construction d'autres centrales de remplacement, qu'elles soient nucléaires ou autres, ce qui reviendrait aussi très cher. Le plus simple est donc pour l'instant de prolonger l'exploitation des centrales et d'employer l'argent qu'elles rapportent à autre chose que les investissements nécessaires, par exemple à payer les intérêts de la dette aux banques. Quitte à accroître le risque pesant sur les populations.

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