Mali, la mort de deux journalistes français : Une guerre qui risque de durer08/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2362.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mali, la mort de deux journalistes français : Une guerre qui risque de durer

« Nous avons gagné cette guerre, nous avons chassé les terroristes, nous avons sécurisé le Nord », déclarait François Hollande lors de l'investiture du nouveau président malien, il y a moins de deux mois. L'assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de Radio France internationale, confirme qu'il n'en est rien. La guerre continue et, avant même les journalistes, la population malienne en est la première victime, notamment dans le nord du pays.

Elle a payé et paye encore ce conflit par de nombreux morts et par les pillages des différentes bandes armées. Des dizaines de milliers de Maliens qui ont été obligés de s'enfuir dans les pays voisins, abandonnant derrière eux leur maison, leur cheptel et leurs maigres biens, hésitent encore à rentrer au pays par peur des exactions et des représailles.

Quels que soient les auteurs de l'assassinat des journalistes de RFI, il est aujourd'hui évident que les djihadistes n'ont pas disparu du Mali. Face à l'offensive militaire française, une partie d'entre eux se sont simplement fondus dans la population en attendant de pouvoir reprendre les actions armées. D'autres se sont réfugiés dans les pays proches, et notamment en Libye, où le chaos engendré par l'intervention militaire occidentale a laissé le champ libre à tous les groupes armés. De nouveaux combattants ont en partie pris la place de ceux qui ont été tués. Les attaques et les attentats suicides n'ont jamais vraiment cessé, à Gao, Tombouctou ou Kidal. À la fin du mois d'octobre, les armées française et malienne ainsi que les troupes africaines de l'ONU en étaient encore à passer au peigne fin la région du Gourma, dans la boucle du Niger, pour tenter sans succès d'y retrouver des caches d'armes ou des combattants terroristes.

Cet échec ne peut pas vraiment être une surprise pour les chefs militaires et pour François Hollande. Ce n'est pas la première fois qu'une armée se révèle impuissante à éradiquer des groupes terroristes bénéficiant d'appuis dans une partie de la population. La violence des groupes djihadistes, mais aussi des différentes bandes armées et de l'armée malienne, voire de simples bandits, persiste. Cette violence, que les deux journalistes de RFI ont payée de leur vie, toute une partie de la population en est victime quotidiennement, loin des caméras.

Le nord du Mali est en fait bien loin d'être contrôlé par le pouvoir central. À Kidal, l'armée française a pour l'instant abandonné le contrôle de la ville aux Touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), par crainte des exactions que l'armée malienne pourrait commettre dans cette ville et des réactions de la population. Cette situation risque de ne pas durer, et le meurtre des deux journalistes de RFI pourrait bien servir de prétexte à une reprise en main. Toute la politique du président malien Ibrahim Boubacar Keïta consiste à mettre de l'huile sur le feu. Il se refuse à satisfaire les revendications d'autonomie des Touareg, mais tente de faire passer de son côté une partie de leurs chefs en leur promettant d'accéder à la mangeoire étatique. C'est exactement la politique menée par ses prédécesseurs lors des révoltes précédentes. Elle n'a jamais abouti qu'à préparer les rebellions touareg suivantes, et n'aboutit pour l'instant qu'à accroître encore le climat d'insécurité dans Kidal, en proie à une guerre de clans.

Voilà le type de pouvoir politique que l'intervention française visait à remettre en place, n'aboutissant qu'à pérenniser une situation d'instabilité à cause de laquelle l'armée française va sans doute rester encore longtemps au Mali.

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