Prostitution : Une barbarie à l'image de la société08/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2362.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prostitution : Une barbarie à l'image de la société

Le 27 novembre prochain, les députés devraient débattre d'une proposition de loi visant à combattre la prostitution en pénalisant les clients. Cette proposition de loi a le soutien d'une grande partie des associations d'aide aux prostituées et d'organisations féministes. Considérer le recours à la prostitution comme un délit serait un minimum car il est insupportable d'entendre encore, au XXIe siècle, parler de la prostitution comme d'un mal nécessaire, voire d'une liberté. Mais une loi sera évidemment insuffisante pour résoudre ce problème.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement tente de lutter contre la prostitution et il n'est pas certain que cette loi ait plus d'efficacité que les précédentes. Ce qui permet à la prostitution de prospérer est la misère généralisée qui sévit dans le monde. Elle rend possibles l'existence de réseaux de traite d'êtres humains et l'esclavage sexuel qui s'ensuit. Fruit de la misère et des violences, la prostitution est l'un des symptômes d'une société malade qui rabaisse les femmes au rang d'objets et fait des relations sexuelles une source de profit.

90 % des personnes se prostituant dans la rue, presque exclusivement des femmes, sont étrangères et la plupart sont sous l'emprise de réseaux de traite et de proxénétisme qui usent de violences systématiques pour les contraindre. Ces dizaines de milliers de jeunes femmes ont commencé par être vendues ou kidnappées, puis abusées ou torturées pour être contraintes d'accepter leur sort. Après ce que les réseaux de traite appellent un « parcours de dressage », elles sont mises sur le trottoir, en situation irrégulière et enchaînées à l'espoir de se libérer en remboursant ce que leurs tortionnaires présentent comme leur dette. Ces réseaux, qui se sont renforcés d'abord dans les pays de l'Est dans les années 1990, orchestrent maintenant dans de nombreux pays la traite d'êtres humains.

Ainsi de nombreuses prostituées sont non seulement exposées aux maladies sexuellement transmissibles, aux violences quotidiennes, mais aussi à une grande pauvreté qui aggrave leur état de santé. La tuberculose, les maladies pulmonaires et dermatologiques, les problèmes dentaires, les addictions et les traumatismes psychologiques sont leur lot quotidien. Il faut y ajouter la vulnérabilité liée au manque de connaissance de la langue et des droits élémentaires. Enfin, la précarité liée à l'absence de titre de séjour est une arme dans les mains des proxénètes. Cette arme, l'État français pourrait facilement la leur ôter en régularisant ces jeunes femmes. Le premier obstacle auquel se heurte la lutte contre la prostitution est aussi le manque de moyens mis en œuvre par l'État. Les solutions d'hébergement sont insuffisantes pour celles qui veulent échapper à leur esclavage et les moyens financiers alloués aux organismes chargés d'apporter leur aide ne cessent de diminuer d'année en année.

Comme chaque fois que ce sujet est abordé, certains ne peuvent s'empêcher de pérorer sur la prétendue « liberté de se prostituer ». Cette fois, un magazine de droite, Causeur, mérite la palme de la bêtise réactionnaire et machiste. Il publie un Manifeste des 343 salauds s'élevant contre cette loi, en référence au manifeste de 1971 dans lequel 343 femmes proclamaient qu'elles avaient avorté. Mais elles le faisaient alors pour défendre leur droit à disposer de leur corps, pas pour défendre celui de disposer du corps des autres. Ces 343 salauds, parmi lesquels on trouve Éric Zemmour, affirment que la loi voudrait leur « couper les couilles et délégitimer une certaine masculinité ». On voit bien à quel niveau ces gens-là placent la dignité humaine. Il y a un siècle, Auguste Bebel, militant socialiste et ardent défenseur de la cause des femmes, expliquait déjà que « le monde masculin a toujours considéré le recours à la prostitution comme un privilège naturel lui revenant de droit ». Les 343 salauds en sont toujours à vouloir s'affirmer par la possibilité de dominer des femmes, fût-ce en payant. Dans une société bourgeoise où tout se vend et tout s'achète, cela n'est malheureusement même pas étonnant.

Ce n'est qu'une raison de plus pour en finir avec cette société qui, sur ce point comme sur bien d'autres, n'est pas sortie de la barbarie.

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