La manifestation du 2 novembre à Quimper : Colère des manifestants, ambiguïtés des organisateurs08/11/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/11/une2362.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La manifestation du 2 novembre à Quimper : Colère des manifestants, ambiguïtés des organisateurs

Les chiffres avancés, 15 000 ou 30 000, soulignent qu'il y avait beaucoup de monde à la manifestation de Quimper du 2 novembre dont le caractère populaire était indéniable. Les discours des organisateurs, relayés par la puissante installation sono gracieusement offerte par un patron, proclamaient la volonté de « vivre, travailler et décider au pays ».

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Du côté des manifestants

Ils étaient venus en petits groupes ou en famille et peu de chose les distinguait les uns des autres. Seuls ceux de Marine-Harvest qui portaient des tee-shirts jaunes étaient clairement identifiables.

Il y avait des artisans venus avec leurs salariés, des routiers, des éleveurs, des salariés de divers secteurs, des chômeurs, des retraités. Une restauratrice expliquait qu'elle était là par solidarité avec les salariés licenciés. Un éleveur de poulets estimait être dans la même galère que les salariés. À un collègue qui pensait que Tilly-Sabco se serait mieux porté s'il avait été choisi pour reprendre Doux, il répondait que tous ne s'intéressent qu'à leur profit.

Parmi les rares banderoles, aucune ne s'en prenait aux licencieurs. À peine pouvait-on trouver « défendons les emplois ». Les drapeaux de FO étaient largement supplantés par une profusion de drapeaux bretons.

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Du côté des organisateurs

Avant que ne démarre le défilé, Christian Troadec, le maire de Carhaix, s'est chargé d'organiser les prises de paroles. Sans jamais dénoncer les licencieurs, il s'est félicité d'avoir pu fédérer toutes les bonnes volontés pour que « la Bretagne » puisse mieux défendre l'emploi.

Les responsables du Medef et de la chambre de commerce, ceux des groupes agroalimentaires et de la grande distribution avaient choisi de ne pas s'afficher et de laisser le responsable de la FDSEA et divers porte-parole des petites entreprises occuper le devant de la scène.

Tous se félicitaient de cette union « au-delà des clivages partisans » et se présentaient comme les authentiques « acteurs de l'économie », à même de créer des emplois pour peu qu'on les laisse travailler. Les salariés menacés étaient cités, mais comme victimes de l'incurie des technocrates de Paris, et non de l'avidité de leurs exploiteurs. Pèle-mêle, ont été dénoncés, l'écotaxe, mais aussi la concurrence étrangère, les « charges » qui « pèsent sur le coût du travail », les délais pour l'obtention des permis de construire, la prolifération des normes écologiques ou sanitaires.

Au bout du compte, la voix des salariés victimes de licenciements n'était guère audible. Le porte-parole de Gad a pu affirmer que, quelle que soit la situation économique, les emplois devaient être garantis. Le groupe Marine-Harvest a été clairement dénoncé en même temps que l'emprise de la finance sur l'économie. Quant au porte-parole des salariés de Tilly-Sabco, venus à la manifestation dans des cars affrétés par leur patron, il a fait le vœu qu'ils ne soient pas demain abandonnés par tous.

La représentante de FO a assorti sa dénonciation des licencieurs et du gouvernement, qui leur laisse toute latitude d'agir à leur guise, de critiques contre l'Europe et le dumping social. Tout en s'affirmant solidaire de la lutte contre l'écotaxe, elle a expliqué que l'exigence à faire valoir pour les salariés était que l'emploi soit garanti et les licenciements interdits, quitte au besoin à nationaliser les entreprises défaillantes.

De nombreux travailleurs étaient en tout cas présents dans la manifestation, inquiets pour leur emploi, cherchant une réponse à leurs problèmes. Ils voulaient manifester leur colère et avaient choisi de le faire là où cela leur semblait possible. Reste que l'issue n'est certainement pas dans une opération politique visant à présenter tout le problème comme un problème « breton », comme s'il n'y avait pas des patrons licencieurs et des ouvriers licenciés, bretons ou non, par ces mêmes patrons. Et comme si la crise et la façon dont les travailleurs la payent étaient une situation spécifiquement bretonne.

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