Prisons : Conditions de travail dignes du 19e siècle19/06/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/06/une2342.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Prisons : Conditions de travail dignes du 19e siècle

Le conseil constitutionnel vient de rejeter la requête de deux détenus de la prison de Metz, qui contestaient un article du code de procédure pénale selon lequel « le travail des personnes incarcérées ne fait pas l'objet d'un contrat de travail ». Il a estimé que ce régime, qui fait des prisonniers une main-d'oeuvre ne bénéficiant pas des mêmes droits qu'hors les murs, était conforme à l'esprit de la constitution.

Ce n'est pas l'avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a publié un communiqué de presse et juge la décision « cruellement décevante ». Il estime en effet que les règles générales du travail pourraient tout à fait être appliquées en prison, à de rares exceptions près.

Il cite quelques exemples des nombreux abus qu'il a observés au fil de ses visites : « Des personnes continuant à travailler, dans une cellule, à 23 heures ; des « auxiliaires » du service général [blanchisserie, cuisine, électricité dans l'enceinte pénitentiaire] requis sept jours sur sept ; un responsable de travail refusant l'éventuelle venue d'une femme en atelier au motif qu'elle est en état de grossesse ; des produits toxiques manipulés sans les équipements prévus ; des inspections du travail quasi inexistantes ; l'absence d'indemnisations journalières en cas de maladie... »

Il pointe également du doigt la rémunération réelle des détenus, « le plus souvent inférieure à ce qu'exige le code de procédure pénale », et qui ne vole déjà pas haut : entre 20 % (1,89 euro) et 45 % (4,24 euros) du smic horaire brut. La main-d'oeuvre carcérale est ainsi une aubaine non seulement pour l'administration, mais pour les entreprises privées qui en bénéficient. Or pour beaucoup de détenus qui ne peuvent recevoir d'aide de leur famille, le travail en prison est la seule source de revenus.

La loi pénitentiaire de 2009 a établi, en lieu et place du contrat de travail, un « acte d'engagement » entre le chef de l'établissement pénitentiaire et le détenu, qui comporte obligations et rémunération de ce dernier. Si le détenu déroge à un aspect de cet accord, il peut être aussitôt « déclassé », autrement dit licencié. En revanche, aucune conséquence si l'employeur ne respecte pas sa part du contrat. Le Parti socialiste, quand il était dans l'opposition en 2009, fustigeait pourtant la loi pénitentiaire et exigeait l'introduction du contrat de travail en prison, mais Christiane Taubira, l'actuelle garde des Sceaux, se félicite de la décision du conseil constitutionnel et défend à son tour « l'acte d'engagement ».

On ne peut que renchérir à l'avis du contrôleur général, qui estime que ce dispositif « s'apparente davantage aux conditions de travail du premier âge industriel qu'à celles de la France de ce jour ».

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