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Dans le monde
Iran, élection présidentielle : Rohani, ayatollah « réformateur » ?
Une élection sous contrôle
La République islamique est un régime théocratique et dictatorial dans lequel la liberté d'expression est exclue, les droits syndicaux inexistants et les femmes considérées comme des sous-citoyennes. Ce régime étouffant maintient toute la société sous le contrôle des « pasdarans », les « gardiens de la révolution », et les élections présidentielles n'ont de démocratique que le nom : les candidats doivent tous être validés par les mollahs du Conseil des gardiens de la révolution et le président est de toute façon sous le contrôle du Guide suprême, désigné par le haut clergé chiite, qui est le vrai dirigeant du pays.
Élu dans le cadre de cette préselection des candidats, Rohani est donc comme les autres un pur produit du système. C'est un religieux qui a une longue carrière derrière lui : dans les années 1980 déjà, il faisait partie des dirigeants de l'armée pendant la guerre contre l'Irak. Il a été secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale et vice-président du Parlement et n'a rien d'un candidat contestataire. Mais il serait plutôt apprécié des représentants des puissances impérialistes car entre 2003 et 2005, en tant que chef des négociations sur la filière nucléaire iranienne, il avait plutôt choisi de faire profil bas face aux États-Unis.
La population paie le prix des sanctions économiques
Lors de la campagne présidentielle, Rohani a pris quelques distances avec la ligne dure du régime : il a promis de chercher un certain apaisement vis-à-vis des pays occidentaux afin d'espérer un allègement des sanctions et a même fait quelques promesses sur les libertés publiques, critiquant par exemple l'absence de liberté de la presse ou le bridage d'Internet.
En tout cas, dans la mesure où il apparaissait comme une alternative, les voix qui se sont portées sur lui sont sans doute en partie le reflet du mécontentement de la population, dont les conditions de vie se sont considérablement dégradées ces dernières années. L'inflation a atteint 30 % en 2012 selon les chiffres officiels, et elle est encore plus élevée pour les produits de base : par exemple, entre 2007 et 2013, le kilo de boeuf est passé de 1 euro à 5,90 euros. Le taux de chômage est à 25 %, et sans doute encore plus chez les jeunes. 50 % des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté, et le pouvoir d'achat de la population a chuté de 72 % entre 2005 et 2013.
Cette situation s'explique en grande partie par les sanctions internationales : pour empêcher l'Iran de développer son programme nucléaire, les États-Unis et l'Europe lui ont imposé un embargo très strict. Les exportations de pétrole, principale ressource du pays, ont chuté et les revenus liés au pétrole ont été divisés par deux en 2012. Le pays ne peut presque plus rien importer et connaît une grave pénurie de produits de base, notamment de médicaments.
Mais si les pays impérialistes sont responsables de cet isolement économique dramatique, c'est bien le régime iranien qui choisit de faire porter le poids des restrictions sur la population, notamment en laissant filer l'inflation. Les mollahs et les pasdarans, très liés à la bourgeoisie iranienne, contrôlent la plupart des grandes entreprises et utilisent la menace américaine pour imposer sacrifice sur sacrifice aux travailleurs.
Alternance politique ou contestation sociale ?
La victoire de Rohani apparaît comme un désaveu de la politique d'Ahmadinejad. Il est difficile de savoir dans quelle mesure cette élection suscite de l'espoir dans les classes populaires. Les manifestations de soutien à Rohani semblent toucher surtout les étudiants et la petite bourgeoisie urbaine.
Mais, passé la campagne électorale, il n'y a guère de changement à attendre de cette élection, pas même sur le plan des libertés publiques : le dernier « modéré » au pouvoir, Khatami, président entre 1997 et 2005, n'avait pas hésité à réprimer violemment des manifestations étudiantes de 1999. Comme tous les candidats à cette élection très contrôlée, Rohani est lié aux milieux d'affaires, aux pasdarans et bien sûr aux religieux, dont il fait partie. Son élection a d'ailleurs été acceptée sans réserve par Khamenei.
Il est possible que, sous sa présidence, les relations entre l'Iran et les États-Unis s'améliorent, et même que cela corresponde à un choix partagé par Khaménei et les autres dignitaires du régime. Mais, pour la population, cela n'apportera ni du travail, ni des salaires décents, ni même, probablement, plus de liberté d'expression.