Salaires des patrons : Un tour de passe-passe « remarquable »19/06/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/06/une2342.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Salaires des patrons : Un tour de passe-passe « remarquable »

« Remarquable ». Pierre Gattaz, qui prendra la tête du Medef (principale organisation patronale) le 1er juillet, qualifie ainsi ce que le Medef et l'Afep (les cent plus grandes sociétés privées du pays) appellent leur « code de bonne conduite ». Un document qu'ils ont remis à François Hollande en le présentant comme destiné à « éviter les excès » en matière de rémunération des dirigeants d'entreprise.

Le plus remarquable dans l'affaire, c'est la comédie qu'a jouée le patronat avec le gouvernement comme metteur en scène.

Voici quelques mois, après avoir un peu rogné le salaire fixe, mais pas les primes, des dirigeants d'entreprises publiques, Hollande déclarait qu'il allait aussi limiter les revenus des patrons du privé. Ce n'était pas bien radical : plusieurs pays, dont la Suisse, le font déjà. Et sur ce qui est décisif, le fait que ce sont les grands groupes et leurs actionnaires qui mènent la danse et finalement toute la société, cela n'aurait rien changé.

Mais même ce pas grand-chose a paru encore trop contraignant au patronat. Alors, il y a un mois, le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a annoncé qu'il s'en remettrait à une « autorégulation exigeante » du patronat.

L'expression ronfle d'autant plus qu'elle est pleine de vent. Ainsi, une publication économique, L'Expansion, écrit, en précisant qu'elle cite le patronat : ce code résulte « d'une large consultation (Autorité des marchés financiers, Trésor, représentants des investisseurs) ». Bref, partant du principe qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, le patronat s'est « consulté » avec les gens de son monde.

Résultat : ce qui serait la principale innovation du texte – soumettre les rémunérations des dirigeants de société à l'assemblée des actionnaires et non plus à leur seul conseil d'administration – ne concerne que leurs rémunérations... passées. De plus, le vote des actionnaires, est-il précisé, « n'est que consultatif ». Quant aux « retraites-chapeau », qui défrayent la chronique tant elles sont énormes au regard des retraites des salariés qu'attaquent gouvernement et patronat, on les limitera à 45 % du revenu de référence... qu'il suffira aux patrons de relever pour ne rien perdre !

Gattaz, Laurence Parisot et leurs pareils sont ravis. Le gouvernement aussi, qui présente cette esbroufe patronale comme une « autorégulation exigeante » en matière de revenus.

Et puisque ce système semble donner toutes satisfactions en haut lieu, pourquoi, en bas, les travailleurs ne se l'appliqueraient-ils pas à eux-mêmes ? Autoréguler salaires, pensions et allocations, chiche ! En commençant par un rattrapage pour tous de 300 euros. Il faudra aussi indexer automatiquement salaires et pensions sur le coût de la vie...

Mais cela, les travailleurs devront l'imposer, comme toutes leurs autres exigences vitales, au patronat et au gouvernement qui le sert.

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