Russie : Une « journée de colère » dans 50 villes25/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2173.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : Une « journée de colère » dans 50 villes

Le 20 mars, une kyrielle d'associations et de partis d'opposition, du Parti Communiste de la Fédération de Russie et de groupes d'extrême gauche à la droite libérale, avaient appelé à une « Journée de colère » dans une cinquantaine de grandes villes. Cela sur fond de censure quasi totale des médias à ce sujet. Même si les autorités et la police ont plus ou moins réussi à interdire ou à circonscrire ces rassemblements, il est notable que, pour la première fois depuis longtemps, ce mouvement ait eu lieu à l'échelle du pays. Et qu'il ait eu pour objet de dénoncer la politique du gouvernement face à la crise.

Les mots d'ordre avancés pour cette journée protestaient contre les hausses d'impôts, contre celles des transports publics, des tarifs de l'électricité et des charges locatives, contre la suppression des rares avantages en matière de transport et de logement dont bénéficient encore les retraités. Plus généralement, ils dénonçaient la politique du gouvernement face à la crise qui frappe le pays, s'en prenant aux milliards distribués par l'État aux oligarques qui contrôlent ou possèdent les grandes entreprises, alors que les prix flambent, que les salaires régressent et que le chômage frappe de plus en plus de travailleurs. Et, partout, des manifestants exigeaient la « démission du gouvernement pour ses réformes antipopulaires ! » ou, plus simplement : « Poutine, démission ! »

Pour autant que l'on puisse en juger de loin, les initiateurs du mouvement avaient fait le choix d'épargner le président russe Medvedev. Ils ne l'ont pas mis en cause, mais ont concentré leurs critiques sur Poutine et son gouvernement, pourtant nommés par Medvedev. Une façon, pour eux, de prendre parti de facto dans la rivalité plus ou moins feutrée qui oppose les deux têtes de l'exécutif : le président et son prédécesseur devenu Premier ministre, Poutine. Cette opposition occupe beaucoup les milieux politiques russes, mais les petites gens, les travailleurs n'ont rien à en attendre, sinon des illusions qui ne les aideraient en rien, car les deux hommes et leurs clans mènent la même politique fondamentalement hostile à leurs intérêts.

Mécontentement social et mesures policières

Le Kremlin, tous clans confondus, sait bien que le mécontentement couve un peu partout. Du fait de la crise, le niveau de vie des classes populaires régresse, et les effectifs de grandes entreprises, souvent principal voire unique employeur d'une ville, fondent comme neige au soleil.

Ainsi, à Toutaïev, ville moyenne de Russie centrale, l'usine TMZ (qui fabrique des moteurs) n'emploie plus que 2 800 salariés, contre 13 000 il y a quelques mois. Dans cette ville, le 20 mars, un demi-millier de personnes se sont rassemblées, avant d'envahir la mairie, malgré une forte présence policière.

De toute évidence, cette fois-ci, le pouvoir était décidé à ne pas laisser se répéter des événements comme ceux de Kaliningrad, sur la Baltique, où en janvier 10 000 personnes ont manifesté contre sa politique, en conspuant Poutine. Ou tels ceux survenus, il y a quelques mois, dans le grand port du Pacifique, Vladivostok, où la police locale s'était solidarisée avec la foule des manifestants dénonçant le gouvernement.

C'est pourquoi, dans certaines régions considérées comme socialement explosives, les autorités ont, à la veille de ce 20 mars, arrêté préventivement des militants syndicaux et politiques, usant en outre d'arguties pour ne pas « enregistrer » la manifestation, c'est-à-dire pour l'interdire. C'est ce qui s'est passé à Togliatti, sur la Volga, une ville de 700 000 habitants qui est la capitale russe de l'automobile. Depuis fin 2009, les effectifs de l'usine-géante AvtoVaz (copropriété de Renault) y sont passés de 105 000 à 72 000 travailleurs. Certains licenciés ont été reclassés loin de là, dans des régions moins frappées par le chômage. Mais la plupart, restés sur place car n'ayant nulle part où aller, ne reçoivent plus que les deux tiers de leur salaire antérieur, soit l'équivalent de 200 à 300 euros, alors que les prix dans cette ville jadis prospère sont parmi les plus élevés de Russie.

Dans d'autres régions, la police a parfois violemment dispersé le rassemblement, même quand il avait été autorisé, procédant à de nombreuses arrestations. Ainsi à Arkhangelsk, dans le Nord, ou à Perm, dans l'Oural, ainsi qu'à Novosibirsk, la principale ville de Sibérie, ou encore à Moscou, où il y avait bien plus de policiers mobilisés que de manifestants.

Le pouvoir russe estime sans doute que les travailleurs sont actuellement trop assommés par l'effondrement de leur niveau de vie et par le retour en force du chômage pour descendre dans la rue. Mais il ne le jurerait pas. C'est bien pour cela qu'il cherche à montrer ses muscles face à ceux qui ne se résignent pas.

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